Notes de lecture décembre 2013 : "Vers un nouvel ordre du monde", de Gérard Chaliand
[|Notes de lecture 19, décembre 2013|]
[|Les « Notes de lecture » sont une publication apériodique.|]
[|[*"Vers un nouvel ordre du monde",*]|]
[|[**de Gérard Chaliand, avec la collaboration de Michel Jan*]|]
[|(Seuil, avril 2013, 299pages, 20 €)|]
(Notes de lecture de J-P Allétru)
Ce qui s’esquisse sous nos yeux annonce le début de la fin de l’hégémonie absolue exercée par l’Occident depuis quelque trois siècles.
Envisagée dans le temps long, la domination exercée par l’Europe et, plus récemment, par les Etats-Unis, ne doit-elle pas être regardée comme le fruit de l’expansion, impériale à l’échelle asiatique et africaine, principalement liée à la révolution industrielle et à la croissance démographique qui caractérisent l’Europe du XIX e siècle ?
Cet ouvrage s’efforce, à l’heure de son déclin relatif, de décrire l’impact de l’Occident sur le reste du monde durant les deux derniers siècles, et de faire mieux comprendre, sur la durée, le flux et le reflux de sa puissance politique, économique et démographique. Avec ses ombres et ses lumières, l’Europe a imprimé un choc salutaire sur bien des sociétés et a même constitué, pendant un moment, un modèle sans concurrent. Elle a fourni aux autres, bon gré mal gré, les clés et les armes pour qu’ils se libèrent de sa propre domination. En effet, les valeurs universelles dont se réclame l’Occident, et qu’il ne défend pas toujours sans hypocrisie, restent liées à l’éminente dignité de la personne et au droit à la liberté de conscience, à l’égalité devant la loi, au droit de demander des comptes aux élus auxquels est délégué, pour une période donnée, un pouvoir limité par les institutions. Sans oublier le droit à la révolte en cas de violation du contrat social, et le droit au bonheur. Ces valeurs méritent toujours d’être proposées au monde et d’être défendues.
La crise actuelle vient, au premier chef, du retour de ceux qui s’étaient laissé distancer par les avancées de l’Occident à partir du XVIII e siècle.
Le premier chapitre, la première mondialisation et ses suites, brosse à grands traits l’évolution du monde, de l’expansion musulmane, du VIIIe siècle au XVe siècle, à l’impérialisme européen, qui commence avec la découverte de l’Amérique, et se poursuit jusqu’au XXe siècle. La courte hégémonie européenne sur l’ensemble du monde asiatique et africain a disparu au terme de la Seconde Guerre mondiale (dans la plupart des cas, la pleine mainmise territoriale et l’administration coloniale n’auront même pas duré trois quarts de siècle).
1979 marque un grand tournant.
Deng Xiaoping engage la Chine vers une économie de marché contrôlée par l’Etat. Khomeyni instaure en Iran l’islamisme politique (chiite), provoquant l’hostilité de l’Arabie Saoudite, défenseur d’un sunnisme militant, et de l’Irak de Saddam Hussein, qui entre en guerre contre l’Iran (avec le soutien des Occidentaux et des pays arabes). 1979 est aussi l’année de la seconde crise pétrolière, et de l’intervention soviétique en Afghanistan (les Etats-Unis soutiennent alors le plus islamiste des mouvements de la résistance afghane, de même que les mouvements djihadistes internationaux tels que celui du Saoudien Oussama Ben Laden…).
L’année suivante Reagan accède à la présidence des Etats-Unis, et Thatcher devient Premier ministre.
Le mur de Berlin s’effondre en 1989, l’URSS en 1992. Les Etats-Unis sont alors à leur apogée.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, un très sensible changement d’équilibre démographique s’opère. L’Europe (Russie comprise) qui représentait 20 % de la population mondiale en 1900, n’en représente plus que 10 % en 2000, dépassée par l’Afrique (6 % en 1900, 14 % en 2000 - 24 % prévus en 2050) et l’Amérique latine (5% en 1900, 9,2 % en 2000). La part de l’Asie reste stable (54 % en 1900, 58 % en 2000, 55 % prévus en 2050). A l’horizon 2050, et probablement avant, le Bureau des renseignements américain projette que la population non blanche représentera 47 % de la population globale. Le fait que le président des Etats-Unis ne soit pas « blanc » est d’une importance considérable. Cela aurait été inenvisageable il y a trente ans.
Le vieillissement, particulièrement en Europe, sera à l’origine de tensions sociales et économiques. Il faudra faire face à la décroissance démographique des pays anciennement industriels et à la poussée démographique de l’Afrique subsaharienne et de l’Asie du Sud. Aucun continent ne pourra accueillir le surplus migratoire de la croissance démographique africaine. La rapide croissance démographique du Bangladesh, du Pakistan, voire de l’Inde, ne pourra qu’accentuer des inégalités difficilement soutenables à l’heure du développement des communications.