Note de lecture, octobre 2013, "Made in Germany : le modèle allemand au-delà des mythes", de Guillaume Duval

, par attac92

[|Notes de lecture, octobre 2013|]

Les « Notes de lecture » sont une publication apériodique.

[|[*Made in Germany*]|]
[|[*Le modèle allemand au-delà des mythes*]|]
[|[*, de Guillaume Duval*]|]
[|(Seuil, janvier 2013, 231 pages, 17 €)|]

(notes de lecture de J-P Allétru)

[**Qu’est-ce qui fait le succès insolent de l’Allemagne, dont nous, Français, pourrions être jaloux ?*] Sont-ce les « réformes courageuses » décidées au début des années par Gerhard Schröder, si vantées par nos hommes politiques et nombre d’économistes ? Au contraire, explique Guillaume Duval, l’amère potion libérale risque de fragiliser le modèle allemand, qui a des racines profondes dans le passé. L’Allemagne a d’autres atouts, dont nous devrions nous inspirer.

On lira avec beaucoup d’ intérêt cet ouvrage de Guillaume Duval, particulièrement clair et documenté,[** qui balaye un certain nombre d’idées reçues que nous avons sur notre voisin*].

Entre l’Allemagne et la France, les profondes différences héritées de l’histoire continuent de marquer de façon déterminante nos sociétés et nos économies.

Alors qu’en France la capitale concentre tous les pouvoirs et tous les moyens, le capital humain, culturel, financier est assez équitablement réparti sur tout le territoire allemand, qui ne s’est unifié que très tardivement, en 1871. Auparavant, les principautés allemandes avaient été rassemblées dans un cadre très lâche, le Saint Empire romain germanique, qui fut dissous en 1806 par Napoléon, puis dans un Zollverein, une union douanière autour de la Prusse (qui a depuis servi de référence pour la construction européenne à partir du traité de Rome en 1957). En 1949, la République fédérale d’Allemagne fait une large place aux Länder, et en 1989, la réunification allemande conserve ce modèle.
L’ampleur des déséquilibres territoriaux français est une des explications majeures de l’une des différences les plus marquantes entre la France et l’Allemagne : le niveau des dépenses publiques, nettement plus élevées chez nous (11 % du PIB de plus). Sans celles-ci, nombre de territoires français ne pourraient pas tenir le choc, tant ils manquent d’une « masse critique » pour fournir à leurs habitants des revenus suffisants par leur propre activité économique [de la même façon, la politique européenne devrait viser à résorber les inégalités entre Etats de l’Union, grâce à une redistribution des ressources…note JPA ; mais ce n’est pas le sujet].

Alors que la France est entrée dans la « transition démographique » dès le XVIIIe siècle (ce qui explique que les pouvoirs publics aient, après la guerre de 1870, cherché à favoriser la natalité, par les allocations familiales, l’école maternelle et les crèches), l’Allemagne a longtemps eu une forte vitalité démographique, ce qui s’est traduit, à l’inverse de la France, par une forte émigration, notamment en Amérique et dans l’est de l’Europe. Aujourd’hui, 16 % des Etats-Uniens déclarent être d’origine allemande. Ce long passé d’émigration est l’un des facteurs centraux d’explication des performances allemandes à l’exportation.
A l’inverse, les firmes françaises comptent d’abord sur le gouvernement pour vendre à l’étranger produits et grands contrats, comme elles le faisaient autrefois dans le cadre de l’empire colonial.

Depuis un demi siècle, l’Allemagne est devenue un pays d’immigration. Sa natalité a chuté.
Et la société allemande d’aujourd’hui reste très profondément marquée par la persistance d’une vision très traditionnelle de la répartition des rôles entre hommes et femmes (Kinder, Küche, Kirche, les enfants, la cuisine et l’église, disait Guillaume II). Les succès de l’économie allemande reposent pour une large part sur la subordination persistante des femmes. Cela permet à l’industrie de bénéficier de services bon marché produits par des femmes mal payées, et de limiter les dépenses publiques, les services correspondants restant pris en charge par les femmes dans le cadre domestique. Avec toutefois comme conséquence un déséquilibre démographique qui menace à terme l’avenir du pays (1,36 enfant par femme en Allemagne, à comparer à 2,03 en France). .