Argumentaire C. Marty : Femmes et Constitution : réponses au "Kanduhoui"

, par attac92

Femmes et Constitution : réponses au "Kanduhoui"


27 mars 2005


Enjeux

Selon certaines associations ou partis du Kanduhoui, la Constitution représenterait un progrès dans le domaine de l’égalité femmes-hommes. L’irrationalité et les contradictions des allégations avancées pour le prouver sont surprenantes. Erreur d’analyse, autosuggestion [1] ... ou duplicité ? L’objectif de ce texte n’est pas de trancher sur cette question ni de polémiquer. Il a pour but de mettre en garde contre l’inconsistance des belles proclamations de la Constitution et d’attirer l’attention sur son contenu réel. Il n’est pas sérieux de se contenter de brandir les numéros d’articles où se trouve inscrits le principe d’égalité femmes-hommes et l’interdiction des discriminations, comme une preuve décisive des vertus de la Constitution pour les femmes !

Comment ne pas voir qu’il s’agit encore et toujours d’un pur effet d’affichage, sans aucune nouveauté, sans aucune application concrète ? Comment ne pas dénoncer l’essentiel, à savoir que cet affichage se trouve ensuite méthodiquement contredit par les dispositions de la Constitution, très concrètes celles-là, qui organisent la mise en oeuvre d’un principe et d’un seul, celui de la concurrence libre et non faussée, tout le reste y étant subordonné ?

Il n’y a rien de nouveau pour les femmes dans cette Constitution. L’égalité entre les hommes et les femmes ainsi que l’interdiction des discriminations font déjà l’objet de tout un arsenal juridique, au niveau français, européen (avec pas moins de 10 Directives) ou international (Conventions de l’OIT, textes sur les droits humains). Tout cela s’est mis en place depuis les années 1970 en lien avec la montée des revendications féministes. Déjà dans le Traité de Rome de 1957 fondant la Communauté économique européenne, l’article 119 instaurait l’égalité de salaire entre hommes et femmes. Ou est le résultat ? Près de 50 ans plus tard, l’écart de salaire moyen entre hommes et femmes en Europe est toujours de 27% et ne diminue pas vraiment ! De même, l’interdiction des discriminations figurait déjà dans l’article 13 du Traité d’Amsterdam de 1997. Aujourd’hui, le chômage des femmes est toujours systématiquement supérieur à celui des hommes, l’écart atteignant même un maximum chez les jeunes, malgré le niveau supérieur de formation des femmes. Cet écart est reconnu comme relevant d’un pur effet de discrimination !

Alors comment peut-on aujourd’hui afficher comme un progrès la simple reconduction des principes d’égalité ou de non-discrimination, et escamoter le fait -primordial- que leur concrétisation est continuellement mise en faillite par les politiques libérales menées depuis 20 ans ? Comment ne pas dénoncer que ces mêmes politiques sont aujourd’hui inscrites en dur dans la Constitution, rendant ainsi impossible tout autre choix démocratique ? Comment ne pas constater que ces politiques libérales programment l’aggravation des inégalités et de la précarité qui touchent majoritairement les femmes ?

Les associations de femmes qui se sont prononcées en faveur de la Constitution ne sont pas nos adversaires. Certaines font un travail de lobbying, qui peut être utile, auprès des instances européennes ou françaises. Mais aujourd’hui, les enjeux pour les femmes et pour tous sont trop importants pour continuer à s’illusionner sur la capacité qu’aurait le lobbying de peser en faveur du progrès social, et cela sans remettre en cause le carcan libéral de la construction européenne ! Le rejet de la Constitution, sur la base claire du refus de la régression libérale et au nom de l’exigence d’avancées vers une Europe des droits des femmes fournirait un nouvel élan, indispensable à l’action des associations féministes qui luttent en faveur de l’égalité.
C’est dans cette optique que sont présentés les éléments qui suivent. Ils répondent aux allégations concernant les soi-disant avancées pour les femmes qu’on peut lire dans différents documents cités en référence.

Allégation n°1, fréquente :
L’égalité entre les femmes et les hommes fait partie de l’article I-2 qui proclame les valeurs de l’Union. Elle est donc l’un des critères pour l’adhésion pour les nouveaux pays (article I-58). De même, les Etats qui ne la respecteraient pas s’exposent à de graves sanctions (article I-59). C’est une avancée et c’est "une victoire du mouvement des femmes en Europe" (document [1]).
Un zoom en particulier sur une phrase de ce document qui fait rêver : "Aucun Etat européen ne peut demander d’être admis à l’Union s’il ne prouve pas qu’il la respecte effectivement [ie l’égalité femmes-hommes], en droit et dans la pratique, en vertu de l’article I-58" (souligné par moi).

En réalité :
Faisons tout de suite le point sur cet article I-58 qui définit les critères d’adhésion. Il dit : "L’Union est ouverte à tous les États européens qui respectent les valeurs visées à l’article I-2 et s’engagent à les promouvoir en commun." Respecter les valeurs est une chose, "prouver qu’on les respecte effectivement en droit et dans la pratique" en est une autre. Quel Etat, hors ou dans l’Union pourrait s’en prévaloir ? L’application de ce critère viderait à coup sûr l’Union européenne de tous ses membres ! On peut rendre hommage à cette vision exigeante pour une Europe qui applique ses valeurs. On peut aussi suspecter une intention de "rassurer" en indiquant des critères l’adhésion plus sélectifs que ceux du texte...

On aimerait également croire aux autres affirmations de cette première allégation. Malheureusement trop de faits les démentent. L’égalité femmes-hommes est bien mentionnée dans l’article I-2 intitulé "les valeurs de l’Union" mais elle ne fait pas partie des "valeurs qui fondent l’Union". Ces valeurs sont explicitement définies par la première phrase de l’article : "L’Union est fondée sur les valeurs de dignité humaine, liberté, démocratie, .../...". L’égalité hommes/femmes figure uniquement dans la seconde phrase de l’article qui ne définit pas de valeurs, mais dit simplement : "ces valeurs [ie celles définies dans la première phrase] sont communes aux Etats membres dans une société caractérisée par [...] l’égalité entre les femmes et les hommes". Ce qui ne signifie pas grand chose. La différence entre le statut des deux phrases est bien plus importante qu’une simple question de nuances.

Malgré les demandes de nombreuses associations, la Convention et la CIG (Conférence intergouvernementale) ont refusé jusqu’au bout d’intégrer l’égalité femmes-hommes dans la première phrase, au même rang que la dignité, la liberté et la démocratie. Le commentaire officiel de la Constitution lui-même ne cite pas l’égalité entre les sexes parmi les valeurs de l’Union.

Enfin, le Parlement européen a adopté le 12 janvier 2005 une résolution approuvant la Constitution. On ne peut donc pas le soupçonner de vouloir dévaloriser son contenu. Or dans cette résolution, sous le paragraphe 3 "Une définition claire des valeurs, des principes et des objectifs de l’Union", on peut lire un passage qui ne laisse aucun doute sur la distinction entre valeurs définies par la 1ère phrase, et principes figurant dans la seconde : "Selon le deuxième article de la Constitution, les valeurs qui fondent l’Union, sur lesquelles s’articule toute la construction européenne, sont la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’Etat de droit, les Droits de l’Homme, y inclus les droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs constituent par ailleurs le critère de référence pour de futures adhésions et peuvent servir de fondement à l’application de sanctions envers les Etats membres qui les violeraient de façon grave et persistante. Ce même article définit aussi les principes qui guident l’action de l’Union : le pluralisme, la non discrimination, .../... et l’égalité entre les femmes et les hommes." Du point de vue du Parlement européen, c’est donc clair : l’égalité entre femmes et hommes ne fait pas partie des valeurs qui fondent l’Union, sur lesquelles s’articule toute la construction européenne (sic), et elle ne fait pas partie des critères de référence pour les futures adhésions ni pour les éventuelles sanctions (!) pour manquements.
On pourrait bien sûr remettre en cause la compréhension de nos eurodéputés, arguer que le commentaire officiel de la Constitution n’a pas de légitimité d’interprétation, et que si la Convention a refusé d’intégrer l’égalité femmes-hommes dans la première phrase, c’est dans un souci esthétique, pour ne pas l’alourdir inutilement. Mais est ce bien convaincant ?

Maintenant, il est permis de s’interroger sur l’incohérence d’associations de femmes qui soutiennent cette allégation n°1. Le document d’information du Lobby européen des femmes (LEF) sur la Constitution [2], daté du 21 février 2005, parle de progrès dans le domaine de l’égalité femmes-hommes. Il précise néanmoins dans un paragraphe intitulé "Déceptions" que le LEF n’a pas réussi à obtenir que "l’égalité entre les femmes et les hommes soit mentionnée à la première phrase car c’est là que sont citées les valeurs de l’Union. La deuxième phrase n’énonce pas de valeurs, .../..."  !
Nous sommes donc d’accord. Mais alors pourquoi signer la déclaration du 8 mars 2005 [1] qui dit le contraire, parle de victoire du mouvement des femmes et affirme que l’égalité femmes-hommes est un critère d’adhésion et de sanction contre les Etats qui ne la respecteraient pas ?

Allégation n°2, fréquente (y compris de la part du PS, Verts, UMP, etc)
L’intégration de la Charte des droits fondamentaux dans la Constitution est un réel progrès, notamment pour les femmes. Cette Charte devient légalement contraignante [2].

En réalité
D’une part, la Charte est très peu contraignante : en effet, l’article II-111 indique que les dispositions de la Charte s’appliquent aux institutions de l’Union et aux Etats membres "uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union" c’est à dire dans un éventail très limité de conditions. Il est précisé dans cet article que "la Charte n’étend pas le champ d’application du droit de l’Union", "ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour l’Union, et ne modifie pas les compétences et tâches définies dans les autres parties de la Constitution". Mais ce n’est pas tout, les droits présents dans la Charte doivent être interprétés en harmonie avec les traditions nationales (article II-112-4). En clair, ce sont les législations nationales qui s’appliquent. A quoi sert donc cette Charte ?
"Les droits reconnus par la présente Charte qui font l’objet de dispositions dans d’autres parties de la Constitution s’exercent dans des conditions et limites y définies" (article II 112-2). Ce qui constitue probablement la limitation suprême, car cela signifie en clair que les droits sont subordonnés dans leur exercice aux conditions et limites fixées par toutes les autres dispositions de la Constitution. Par exemple, ils sont soumis au respect de "la concurrence libre et non faussée" (article I-3).

D’autre part, en plus de ne pas être contraignante, la Charte des droits fondamentaux est très insuffisante au niveau des droits affichés. Une Charte élaborée dans un souci du progrès social aurait dû être la référence haute en matière de droits, tracer la voie d’une harmonisation par le haut pour l’ensemble des pays et a minima, inclure une clause de non régression ! On en est à l’opposé, toute harmonisation est explicitement exclue...
Comment peut-on faire passer cette charte pour un progrès alors que les droits fondamentaux des femmes sont tout bonnement absents ? Ainsi, ne figure aucun des droits suivants : droit à l’avortement, à la contraception, au divorce, droit à vivre sans violence [3], droit d’asile pour des motifs de violences ou répression en raison du sexe ou de la sexualité, interdiction de la traite à des fins de prostitution.

En plus, certains droits sociaux essentiels sont en recul par rapport aux textes de référence sur les droits (Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989, etc) : droit à la sécurité sociale, au logement, au revenu minimum, à une pension de retraite. Ces droits n’existent plus. Le droit à la protection sociale est remplacé par le "droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux", le droit au logement par le "droit d’accès à une aide au logement", etc. Ces droits sont importants pour tous, mais plus encore pour les femmes parce qu’elles sont majoritaires parmi les précaires, les bas salaires, les chômeurs non indemnisés et pensions de retraite inférieures au minimum vieillesse, les bénéficiaires de minima sociaux.
Le recul sur les droits à prestation n’est pas un hasard. Ils sont tout simplement incompatibles avec la doctrine libérale qui est le fondement de la Constitution et qui impose la réduction des déficits publics, donc des dépenses publiques et sociales. Ce sont les "grandes orientations de politiques économiques" (GOPE) définissant les politiques des Etats (article III-178) qui imposent ces restrictions.

Comment faut-il interpréter le fait que des associations de femmes qui avaient fermement critiqué cette Charte au moment de son adoption à Nice en 2000 lui attribuent aujourd’hui des vertus de progrès ? La revendication des droits cités ci-dessus figurait au premier plan dans le document du LEF de novembre 2000, puis dans sa critique de l’avant projet du Traité constitutionnel en novembre 2002, et encore dans "l’Appel à la Conférence intergouvernementale" publié par l’Association des femmes de l’Europe méridionale (AFEM) le 30 septembre 2003. Pour quelle raison mystérieuse ces revendications majeures se sont-elles évanouies aujourd’hui alors qu’aucune n’a été satisfaite ?

De même, pour quelle raison ne trouve-t-on plus trace de l’exigence de l’inscription de la démocratie paritaire, qui était auparavant instamment demandée par ces mêmes associations ? Aujourd’hui, elles se félicitent simplement des dispositions relatives à la démocratie participative [1]. Autre disparition, la demande d’inscription du principe de laïcité, liée à la demande de suppression de l’article I-52 qui accorde un statut spécial aux églises. Cet article représente de l’avis de toutes les féministes une sérieuse menace pour les droits des femmes.

Allégation n° 3 :
Extraits du document [1] : "Nous rappelons que l’article 23 de la Charte (article II-86 de la Constitution) proclame le droit fondamental à l’égalité réelle entre femmes et hommes".../... "Nous nous félicitons que soit maintenue à l’article III-116 de la Constitution l’obligation de l’Union, actuellement imposée par l’article 3 al.2 du Traité sur l’Union européenne [ie le Traité d’Amsterdam], d’éliminer les inégalités et de promouvoir l’égalité entre femmes et hommes dans toutes ses actions" (souligné par moi).

En réalité
Ces affirmations sont inexactes car il n’est question dans les articles cités ni de droit fondamental à l’égalité réelle, j’y reviens plus loin, ni d’obligation d’éliminer les inégalités. L’article 116 annonce plus modestement que l’Union "cherche à éliminer les inégalités". Les mots ont un sens, les rédacteurs de la Constitution savent très bien en jouer et on y trouve par exemple nombre d’expressions comme "l’Union reconnaît et respecte" en lieu et place de "l’Union garantit". Par ailleurs, comment peut-on se féliciter du simple fait que la Constitution maintienne les articles qui établissent le principe de l’égalité entre femmes et hommes ? Un non recul considéré comme un progrès n’annonce pas de grandes ambitions pour l’avenir.

Le document [1] indique que "l’article II-86 de la Constitution proclame le droit fondamental à l’égalité réelle entre femmes et hommes". En réalité c’est l’article II-83 (et non 86) qui affiche, non pas le droit fondamental à l’égalité réelle, mais simplement l’égalité entre femmes et hommes. Rien de nouveau puisque, comme dit précédemment, l’égalité femmes-hommes figurait déjà en tant qu’objectif et mission dans les articles 2 et 3 du Traité d’Amsterdam de 1997.

Mais l’essentiel est ailleurs. Il est révélé par le lapsus (s’il s’agit bien d’un lapsus) qui fait écrire égalité réelle. Car c’est bien le cœur du problème : à savoir l’écart énorme entre l’égalité formelle et l’égalité réelle, c’est à dire entre l’égalité dans les lois et dans la réalité. L’affirmation de principes dans les textes est loin de suffire, puisque ces textes cohabitent très bien, et depuis longtemps, avec de fortes inégalités sur le terrain ! L’exemple sur les salaires et le chômage cité plus haut en est une illustration. Ce qui est primordial aujourd’hui, c’est de passer aux dispositifs concrets d’application. Et justement, il n’y en a aucun dans la Constitution.
Il n’y en a aucun non plus dans le tout récent "agenda social" (février 2005), programme sur cinq ans dans le domaine de la politique sociale que vient de publier la Commission européenne... Ce qui a donné lieu à un communiqué très explicite du LEF, qui mérite d’être largement cité car il met parfaitement en lumière le lien avec la Constitution.
Intitulé "La Commission sape les fondements de l’Europe sociale : les femmes démoralisées", il indique : "l’Agenda social affaiblit considérablement les engagements antérieurs envers l’égalité femmes-hommes et la dimension sociale de l’Union européenne". "La Commission supprime les références à l’article I-3 qui stipule que l’Union combat l’exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociale, l’EGALITE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES" (en majuscules dans le communiqué). Et encore : "le LEF veut savoir où sont les références à la Charte des droits fondamentaux, aux engagements en matière de gender mainstreaming, aux valeurs ou aux objectifs de l’Union, enfin au dialogue civil dans l’Agenda social. La version de la Constitution que reflète l’Agenda social n’est pas un texte pour lequel les femmes d’Europe voteraient."
Tiens donc... Est-ce que l’Agenda social trahit la Constitution en ne tenant aucun compte de ses engagements ? Ou au contraire est-ce qu’il y est conforme, en appliquant les prescriptions libérales qui y sont inscrites ? La Commission européenne, qui a tout lieu de bien connaître la Constitution, affirme que l’Agenda social "s’inspire du Traité constitutionnel". Alors, bienvenue dans le monde merveilleux du marché !
En toute logique, la dernière phrase citée du communiqué du LEF devrait devenir : "La Constitution n’est pas un texte pour lequel les femmes d’Europe voteraient" !

Ce qui précède ne fait que confirmer nos arguments, à savoir que l’affichage de valeurs dans la Constitution, l’égalité hommes-femmes, la vitrine sociale, tout cela n’est qu’une coquille vide. A titre d’exemple, la protection sociale, l’amélioration des conditions de vie et de travail, la promotion de l’emploi, la lutte contre les exclusions sont subordonnées à "la nécessité de maintenir la compétitivité de l’économie" (article III-209). Le plus tangible de cette Constitution est qu’elle programme la poursuite et l’aggravation des politiques libérales responsables du recul social, de la privatisation des services publics, et de l’augmentation de la précarité (voir le document [4] "Pour les droits des femmes, pour l’égalité, Non à cette Constitution"). Nous y avons montré comment la stratégie libérale européenne a vidé la notion d’égalité femmes-hommes de tout contenu progressiste pour la mettre au service de la logique libérale.

Je voudrais terminer en illustrant par un exemple récent la manière dont la Commission européenne applique l’égalité hommes-femmes. Une nouvelle directive [5] européenne, intitulée "Directive mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services" a été adoptée en décembre 2004. Elle était annoncée pour, entre autres, mettre fin à des pratiques discriminatoires dans le calcul des primes et prestations des assurances et autres services financiers (les femmes paient plus cher que les hommes, puisqu’elles présentent le "risque" de vivre plus longtemps !). Le lobby des assureurs n’avait pas l’intention de se laisser faire et il a gagné. Cette directive, malgré son titre, autorise bel et bien les différences dans le calcul des primes en fonction du sexe !

Cet exemple témoigne une fois de plus que l’exigence d’égalité entre les femmes et les hommes -tout comme l’exigence de progrès social- ne pèse pas lourd face aux pressions des institutions financières. Il est temps d’en tirer les conséquences. L’occasion nous sera donnée de dire non le 29 mai pour rejeter l’évolution actuelle et affirmer nos aspirations à une Europe qui mette le progrès social, la solidarité et l’égalité entre hommes et femmes au-dessus de la loi du marché. Toutes les personnes qui sont attachées à ces valeurs devraient se mobiliser ensemble pour ce projet.

Références
1- "Déclaration des associations féminines françaises au sujet du Traité établissant une Constitution pour l’Europe", 8 mars 2005, signée notamment par l’AFEM (association des femmes de l’Europe méridionale), la CLEF (coordination du Lobby européen des femmes), l’UFCS (Union féminine civique et sociale).
2- "Document d’information du LEF (Lobby européen des femmes) sur le Traité établissant une Constitution pour l’Europe", 21 février 2005.
3- Document du Mouvement européen "La Constitution, une chance pour les femmes", mars 2005

Christiane Marty, commission genre et mondialisation, ATTAC

Notes

[1autosuggestion : action de se suggestionner soi-même, volontairement ou non (petit Robert).

[2Il existe différentes versions de cet argument : certaines (par exemple, celle du mouvement européen) s’en tiennent à cette affirmation purement mensongère : "la Charte devient contraignante". D’autres (par exemple le LEF) précisent que la Charte devient contraignante pour les institutions de l’Union et aux Etats membres lorsqu’ils mettent en œuvre le droit européen, sans mentionner plus les énormes limitations de cette Charte.

[3Certes, il existe dans les annexes une Déclaration sur l’article 116 qui indique que l’Union visera à lutter contre toutes les formes de violence domestique. C’est mieux que rien. Mais peut-on se contenter d’une déclaration en annexe pour se saisir de ce phénomène de société ? La violence que subissent les femmes dans tous les pays à des niveaux très élevés exige que le droit à vivre sans violence soit inscrit en tant que droit fondamental.

[4Document d’Attac téléchargeable sur : http://france.attac.org/a4010

[5Directive 2004/113/CE