Commentaire Filoche : A ceux qui veulent comprendre « l’opt out » ou Comment passer de 48 à 65 h maximum de travail hebdomadaire

, par Gérard Filoche

A ceux qui veulent comprendre « l’opt out » ( [1]) :
ou
Comment passer de 48 à 65 h maximum de travail hebdomadaire

23 février 2005

La commission européenne a ouvert le débat le 30 décembre 2003, dans l’indifférence générale. Elle l’a clos le 30 mars 2004. Il s’agissait d’étudier l’élargissement possible de ce qui s’appelle « l’opt out », une clause que s’étaient réservés les Britanniques dans la directive 93-104 qui fixait la durée maxima du travail à 48 h pour toute l’Europe des 15. Cette clause était contenue dans l’article 18 : elle permettait à un salarié de « renoncer à son droit de ne pas travailler plus de 48 h » a trois conditions :

 la première, c’est qu’il le fasse de son plein gré, librement. (Ce sont les « heures choisies » de Raffarin). C’est évidemment absurde puisque le salarié est « subordonné » et que cela lui est imposé... sinon, il n’a pas de contrat...

 la seconde, c’est qu’il soit placé sous surveillance d’un médecin du travail. (Quel aveu, travailler plus de 48 h nuit à la santé). C’est aussi vain : il n’y a pas assez de médecins du travail et les visites ont été espacées.

 la troisième, c’est que les heures au dessus de 48 h soient comptabilisées. Absurde : elles ne le sont déjà pas en dessous, il n’y a pas assez de moyens de contrôle ni de sanctions.

Mais, malgré le caractère très improbable de ces « conditions », la commission européenne feignait d’étudier la possibilité de dépasser les 48 h. Son problème était que les 10 nouveaux pays entrant le 1er mai 2004 n’avaient pas cette durée maxima du travail. Elle y voyait donc l’occasion de déréglementer ce qui l’avait été en 1993.

La commission préféra laisser passer les élections du 19 juin 2004 et ne présenta un projet de directive que le 22 septembre 2004. Cette fois, elle allait loin : il s’agissait de réviser la directive 93-104 toute entière, en fixant une durée maxima à 65 h voire à 72 h.

Pour cela la commission se mit à étudier le problème posé par l’arrêt Jaeger (9 septembre 2004) et les médecins allemands. Ceux-ci faisaient parfois des permanences à l’hôpital qui pouvaient atteindre 72 h en alternant, heures de travail « normales », heures « d’astreinte » et heures « de garde » : ils demandaient à être payés totalement et l’avaient obtenu.
La commission propose donc de dissocier chaque catégorie d’heures, de ne pas faire entrer les heures d’astreinte dans la durée maxima qui passerait ainsi à 65 h et de déduire les heures de garde qui ne compteraient pas dans la limite de 72 h.

On retrouve là la loi Borloo qui a déduit du temps de travail, le temps de trajet qu’effectue, par exemple, un ouvrier du bâtiment lorsqu’il passe prendre la camionnette et les outils au siége de l’entreprise puis se rend sur le chantier. Ou encore le temps de trajet d’un prof parisien qu’on envoie faire un cours... à Lille ! En étendant l’opt out et en redéfinissant la durée du travail effectif, aussi bien la commission européenne que le gouvernement Raffarin agissent de concert.

Détruire ainsi la seule durée harmonisée maxima de 48 hebdomadaire de travail entre tous les pays de l’Union, entre parfaitement en cohérence avec le projet de Constitution qui « exclut toute harmonisation fiscale et sociale »

Sont hypocrites tous ceux qui ont refusé de faire la lumière et de mener campagne contre l’extension de l’opt out, depuis un an que cette question est sur la table ! Sont également hypocrites tous ceux qui feignent de la découvrir et prétendent que cela n’a aucun rapport avec la Constitution.

Gérard Filoche

L’ « opt out » dans la directive 93-104 (article 18)

“ Dispositions finales
1. a) Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 23 novembre 1996 ou s’assurent, au plus tard à cette date, que les partenaires sociaux mettent en place les dispositions nécessaires par voie d’accord, les États membres devant prendre toute mesure nécessaire pour pouvoir à tout moment garantir les résultats imposés par la présente directive. (Durée maxima hebdo de 48 h)
b) i) Toutefois, un État membre a la faculté de ne pas appliquer l’article 6 tout en respectant les principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs et à condition qu’il assure, par les mesures nécessaires prises à cet effet, que :

 aucun employeur ne demande à un travailleur de travailler plus de quarante-huit heures au cours d’une période de sept jours, calculée comme moyenne de la période de référence visée à l’article 16 point 2, à moins qu’il ait obtenu l’accord du travailleur pour effectuer un tel travail,

 aucun travailleur ne puisse subir aucun préjudice du fait qu’il n’est pas disposé à donner son accord pour effectuer un tel travail,

 l’employeur tienne des registres mis à jour de tous les travailleurs qui effectuent un tel travail,

 les registres soient mis à la disposition des autorités compétentes qui peuvent interdire ou restreindre, pour des raisons de sécurité et/ou de santé des travailleurs, la possibilité de dépasser la durée maximale hebdomadaire de travail,

 l’employeur, sur demande des autorités compétentes, donne à celles-ci des informations sur les accords donnés par les travailleurs pour effectuer un travail dépassant quarante-huit heures au cours d’une période de sept jours, calculées comme moyenne de la période de référence visée à l’article 16 point 2.
Avant l’expiration d’une période de sept ans à compter de la date visée au point a), le Conseil, sur la base d’une proposition de la Commission, accompagnée d’un rapport d’évaluation, réexamine les dispositions du présent point i) et décide des suites à y donner. ”

Notes

[1« opt out », renoncer à ses droits, sortir de ses droits, être hors norme.