Citoyen du monde à Montrouge n°117 de été 2014 : Le changement, c’est maintenant ! En France et en Europe !
[|Citoyen du monde à Montrouge, |]
[|numéro 117, été 2014|]
[|[*Le changement, c’est maintenant !
En France et en Europe !*]|]
[*En France*]
Après l’électrochoc des élections européennes, il apparaît clairement que la gauche est menacée de disparaître durablement (un quart de siècle ?) du paysage politique.
L’abstention très élevée– près de 57 %– est particulièrement marquée chez les électeurs de gauche. Du coup, le total des voix de gauche tombe au- dessous de 33 % (14 % pour le PS, 9 % pour EELV, 6% pour le Front de gauche, 3 % pour le tout nouveau parti Nouvelle Donne).
Marine Le Pen, en gommant les outrances de son père et en accaparant les thèmes de la France et de la liberté, a su atteindre le score considérable de 25 %, en attirant 43 % des ouvriers, 38 % des employés et 37 % des chômeurs qui ont pris part au vote (contre, respectivement, 8 %, 16 % et 14 % pour le PS). Son discours, d’une redoutable habileté, doit être combattu sur un double plan.
D’abord, la sortie de l’euro, pour laquelle elle milite, entraînerait, les Français le savent, des effets en chaîne catastrophiques. Chaque pays de l’Union européenne, pris séparément, serait perdu dans la spirale infernale d’une guerre commerciale et monétaire qui risquerait fort d’empêcher toute possibilité de coopération entre peuples européens : dévaluations en cascades, dumping social et fiscal, tensions xénophobes…
Ensuite, elle détourne une importante partie des couches populaires de la question sociale, pourtant essentielle, vers des questions ethniques et religieuses fantasmées. Les populations musulmanes ne sont pas communautarisées. La société change à toute vitesse. Les mariages mixtes sont en hausse. Chez les secondes générations d’enfants issus de l’immigration, il y a une demande d’Etat, mais d’un Etat non discriminatoire. Le modèle français d’intégration fonctionne bien (Olivier Roy, Le Monde, 30 mai). Les vrais ennemis des citoyens, ce ne sont pas les immigrés ou les étrangers, ce sont les oligarques (les fameux 1%, comparés aux 99 % que nous sommes).
Ce que les électeurs ont sanctionné, c’est la soumission de François Hollande aux politiques européennes d’austérité, elles-mêmes imposées par ces oligarques.
François Hollande espérait que ces élections amèneraient une Commission européenne plus souple quant aux délais du remboursement de la dette, donc un léger desserrement des contraintes pour la France. La majorité au Parlement européen n’a guère été modifiée : il n’y a donc rien à attendre de ce côté. La France est et restera sous le coup d’une procédure pour déficit excessif. Rappelons que le gouvernement français s’est engagé à ramener son déficit annuel sous la barre des 3 % du PIB à l’horizon 2015, après avoir obtenu un délai supplémentaire de deux ans.
François Hollande persiste à tout attendre d’un hypothétique retour de la croissance tout en conduisant une politique d’austérité qui la limite durablement. Il est fort à craindre que les 190 000 emplois espérés en contrepartie des 10 milliards d’euros d’exonération de cotisations patronales et les 300 000 emplois attendus grâce aux 20 milliards d’euros du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ne seront pas au rendez-vous. Le patronat fait traîner en longueur les discussions sur le « pacte de responsabilité », empochant les cadeaux, sans rien lâcher en contrepartie. Pied de nez au gouvernement, le patron du Medef, peu après avoir réclamé « un réaménagement » (comprenez : « une diminution ») du Smic, s’est octroyé une hausse de 29 % de sa rémunération en tant que patron de Radiall (électronique)…
Le gouvernement en vient à envisager des mesures antisociales telles que le gel du point d’indice des fonctionnaires, ou la réduction du coût de l’heure payée par les ménages aux salariés employés à domicile, ou encore le gel des seuils sociaux (qui imposent aux entreprises d’au moins onze salariés d’avoir des délégués du personnel, et à celles ayant au moins cinquante salariés de constituer un comité d’entreprise). Même la CFDT commence à renâcler et à douter…
Bref, le « Pacte de responsabilité » est en train d’échouer.
Dans ces conditions, la focalisation sur le « mille feuilles territorial », dont il serait vain d’attendre des économies substantielles à court terme, et qui risque au contraire d’éloigner les élus et les services publics des citoyens et des usagers, ne peut être comprise que comme une opération de diversion.
(...)
[*En Europe*]
La très forte abstention, et la montée de l’extrême-droite et des partis nationalistes, observées dans toute l’Europe, sanctionnent les politiques européennes d’austérité, au service des oligarques : rétrécissement de l’Etat, réduction des services publics, pression sur les salaires, précarité généralisée, inégalités accrues (voir plus loin, rubrique Europe)…
Non seulement ces politiques entraînent de grandes souffrances pour les peuples, mais en plus elles sont inefficaces pour atteindre le but qu’elles prétendent poursuivre : l’austérité imposée conduit à la stagnation de l’économie, qui empêche de résorber la dette. Avant la crise, la dette publique grecque, par exemple, atteignait 120 % du produit intérieur brut ; aujourd’hui, elle atteint 180 % (Alexandre Tsipras, Le Monde, 6 juin).
Pour l’Union européenne, comme pour la France, il est urgent de changer de politique.
Paradoxalement, même si la composition du Parlement n’est guère modifiée, le moment est peut-être favorable, tant le rejet par les peuples est palpable, et tant il est patent que la politique menée jusqu’à présent nous conduit dans une impasse.
Le changement de politique passe par un changement des institutions.
« Dans les pays totalitaires de type soviétique », écrit Tzveatan Todorov (Le Monde, 9 mai), les exigences économiques étaient soumises au diktat politique. On connaît le résultat : les étals des magasins éternellement vides, la pénurie permanente, la population déployant des trésors d’ingéniosité pour subvenir à ses besoins. Mais dans le monde contemporain de l’économie globalisée, apparaît un danger inverse : l’économie s’affranchit de toute dépendance par rapport au politique, elle tend même à mettre ce dernier à son service. Le terme de « démocratie » se vide de son sens, ce n’est plus le peuple qui détient le pouvoir, mais les multinationales, ce qui, en fin de compte, revient à dire que quelques individus, puissants car riches, décident du destin des peuples.
Pour réussir là où les Etats individuels seraient condamnés à l’échec, l’UE devrait renforcer son unité. Cette évolution devrait s’accompagner d’une démocratisation, ce qui implique un transfert de pouvoir, du conseil des ministres, réunissant les chefs des Etats membres, au Parlement européen, où siègent les élus des peuples eux-mêmes. C’est au Parlement que devrait revenir la tâche d’élire son organe exécutif, la Commission, dont le président serait en même temps le président de l’Union. »
(...)
[**La suite de l’article et les autres articles dans le document-joint.*]