Citoyen du monde à Montrouge n°116 de mai 2014 : Citoyens/Oligarques : la guerre est-elle perdue ?
[|Citoyen du monde à Montrouge, |]
[|numéro 116, mai 2014|]
[|[*Citoyens/Oligarques : la guerre est-elle perdue ?*]|]
Pauvres sont ceux qui ont besoin de beaucoup, car rien ne peut les satisfaire. Sénèque
L’immense mérite de l’ouvrage de Thomas Piketty, Le Capital au XXIème siècle, c’est de mettre en évidence la cause profonde de la concentration toujours plus forte de la richesse et du pouvoir que l’on observe aujourd’hui.
Dès lors que le rendement du capital est supérieur au taux de croissance de l’économie (ce qui s’est toujours vérifié dans l’histoire, sauf pour la période des Trente Glorieuses, en raison de circonstances exceptionnelles qui ne se reproduiront pas), il est toujours possible à ceux qui détiennent un capital suffisant d’épargner assez pour que le patrimoine hérité de la génération précédente s’accroisse plus vite que la moyenne de l’économie, et donc pour que les inégalités s’élargissent.
C’est mécanique, inexorable, nul besoin de théorie du complot pour expliquer cela.
Le niveau des inégalités approche de celui qu’on observait avant la Révolution française, ou lors de « la Belle Epoque ».
Aux Etats-Unis, les 400 individus les plus riches possèdent une fortune supérieure à celle des 150 millions d’individus au bas de l’échelle sociale. La fortune des six propriétaires de Wal-Mart, la grande chaîne de supermarchés américains, dépasse celle des 30 % de la population en bas de l’échelle. 1 % du pays possède 40 % de ses richesses, alors que 60 % du bas en possèdent moins de 2 % (David Bell, La Révolution Prolétarienne, mars 2014 –abonnement 23€ : Jean Moreau, 26 rue des Rosiers 75004 Paris).
Un lecteur imaginaire qui lit sur l’épaule du rédacteur : - N’y a-t- il pas de limite ? Jusqu’où cela pourra- t-il aller ?
Il n’y a pas de limite. C’est le retour programmé de la domesticité, puis de l’esclavage.
Si la tendance américaine devait se poursuivre, en 2030, en y consacrant une faible part de leurs revenus, les 10 % du haut pourraient embaucher comme domestiques une bonne partie des 50 % du bas (Piketty).
-Mais ces très riches, ce n’est pas un monde homogène, ils ne sont pas tous d’accord entre eux ?
Non, en effet, les inégalités sont fortes au sein même des 1% ; il faudrait distinguer les 1/1000, les 1/10 000 ; et il existe plusieurs oligarchies : celles des pays occidentaux, celles des pays de l’ex-URSS, qui se sont partagé les ressources de l’Etat, celles des pays pétroliers ; le cas de la Chine est particulier, en raison des liens étroits avec le Parti. Ces oligarchies sont rivales, elles se disputent les dernières ressources pétrolières et minières, avec des guerres ou des risques de guerre : entre la Chine et le Japon, dans le monde arabe et en Afrique noire (où les monarchies pétrolières du Golfe tirent les ficelles, en utilisant à leur profit les fanatismes religieux), et aujourd’hui en Ukraine (où on trouve des oligarques dans les deux camps- ce qui ne signifie pas qu’il faut les renvoyer dos à dos et s’en laver les mains). Le monde des oligarchies est un monde violent.
-Mais il n’y a pas que des héritiers. Il y a des gens qui sortent du lot ! La méritocratie, ça existe !
Certes, il y a des exceptions qui confirment la règle. Les oligarques aiment bien ces « success-stories » à la Bill Gates où le bricoleur génial invente dans son garage le produit qui se répandra dans tous les foyers… Cela aide à motiver les troupes !
Xavier Niel, ce personnage sorti de la banlieue pavillonnaire, enrichi par le Minitel rose et condamné par la justice, est une de ces exceptions. Il fait désormais partie des dix premières fortunes de France. « L’élite » n’a d’autre choix que de s’incliner devant la seule qualité qu’elle respecte vraiment : une capacité hors norme à gagner de l’argent. Hacker, c’est-à-dire pirate informaticien, Xavier Niel a commencé par siphonner les clients des messageries roses concurrentes sur le Minitel et aspirer les listings de France Télécom pour alimenter son propre service d’annuaire inversé.
[**La suite de l’article et les autres articles dans le document-joint.*]