Avril 2006 : Bolkestein et TCE : c’est pas gagné !
Sous la pression des citoyens, la directive Bolkestein, de même inspiration que le TCE, a été amendée en séance plénière du Parlement européen, le 16 février 2006, sur la base d’un compromis négocié entre le PPE ( les euro- députés de droite ) et le PSE (les socialistes). Mais est-ce vraiment une avancée comme tiennent à le proclamer les médias et certains partis politiques ?
Le texte amendé est plus opaque que jamais.
Certes, le fameux PPO (principe du pays d’origine) a disparu et est remplacé par la « liberté de prestation des services », mais il n’est plus fait référence au droit applicable et rien n’indique que l’on devra appliquer le droit du pays de destination. Pour preuve, l’amendement proposé par la GUE (gauche unitaire européenne) visant à introduire la référence précise à la loi du pays d’accueil a été rejeté à une large majorité ( 527 voix contre ,105 pour et 4 abstentions ! )
Dans ces conditions, ce texte est largement interprétable et il est à craindre qu’en dernier recours, l’interprétation n’en revienne à la Cour de Justice des Communautés européennes, dont la jurisprudence est très libérale.
Bien sûr, nous avons obtenu quelques avancées. Plusieurs services sont en effet exclus du champ d’application de cette directive et en particulier les services publics de soins de santé et leur remboursement , les services audiovisuels et certains services sociaux (les logements sociaux par exemple ) .Le droit du travail (y compris le droit de négocier des conventions collectives, la liberté syndicale et le droit de grève) échappe aussi à la directive mais, là encore , avec de sérieuses limites. En effet , la directive laisse la porte ouverte à la généralisation d’une pratique en plein développement : celle des « faux travailleurs indépendants » c’est à dire des travailleurs considérés par les employeurs comme indépendants, ce qui les dispense de payer les charges sociales et leur laisse toute latitude en ce qui concerne la tarification de la prestation fournie.
Quant à la victoire annoncée par certains partis concernant la sortie des services publics du champ d’application, ce n’est qu’un leurre ,les SIEG, depuis Maastricht, étant soumis aux règles de la concurrence et les SIG n’existant pas dans le droit européen.
En résumé, ce texte amendé écarte toujours toute harmonisation par le haut et n’évite aucunement les délocalisations, le dumping social et fiscal et la continuation de la détérioration des services publics.
Par ailleurs, l’extrême complexité du texte associée à la « machine à démobiliser » ( [1]) laisse à craindre que , comme pour le TCE, dont on n’entend plus parler mais qui continue son chemin en souterrain ( [2]
), la directive Bolkestein puisse perdurer, voire s’aggraver, dans les méandres de la co-décision.
Alors, que faire maintenant ? La durée des débats et le nombre d’amendements témoignent d’une efficacité certaine des mobilisations contre cette directive. Après le compromis adopté par le Parlement européen le 16 02 dernier , le texte amendé vient d’être soumis au Conseil européen les 23 et 24 Mars pour avis, avant d’être voté par le Conseil des Ministres, qui pourra l’adopter en l’état ou proposer une autre mouture qui repartirait dans ce cas devant le Parlement pour une 2è lecture.
Il est donc nécessaire de réaffirmer notre rejet de cette directive tout au long de la procédure, d’autant que la Commission est pressée et souhaite le voir adopté avant la fin de l’année et que 6 pays ont demandé, en Conseil des Ministres du 13 Mars 2006, de tenir bon sur l’orientation du texte.
Nous vous proposons donc de continuer la mobilisation, en envoyant de nouveaux courriers au Président de la République et en continuant à informer et à dénoncer les propos lénifiants concernant cette directive amendée.
Vous trouverez une lettre au Président, actualisée, et ce texte qui peut servir de tract, sur le site d’Attac 92.