Février 2006 : Bolkestein : commentaires sur "les Echos" du 9 février 2006
Selon le journal Les Echos du jeudi 9 février, « un accord de dernière minute a été trouvé entre Evelyne Gebbhardt, rapporteuse du texte qui sera soumis au vote du Parlement, et son homologue conservateur, membre du PPE (Parti Populaire Européen, conservateurs), le britanique Malcom Harbour. Il prévoit de contourner l’affrontement entre partisans et adversaires du « principe du pays d’origine » (PPO) qui prévoyait que tout prestataire d’un pays membre pouvait proposer ses services dans toute l’Union en respectant simplement la législation de son pays ».
Dans la même édition Evelyne Gebbhardt déclare : « A la dernière minute nous avons signé la mort de ce principe en trouvant avec le PPE un compromis satisfaisant qui doit encore être soumis à nos deux groupes politiques. Il prévoit que les concepts de pays d’origine et de pays de destination vont disparaître. Dans la pratique, cela signifie que les Etats membres pourront faire appliquer leur droit en contraignant les prestataires de services s’installant chez eux à le respecter. Ceci à condition que les règles nationales ne soient pas discriminatoires et restent proportionnées. Pour le garantir, nous définirons clairement ce qui peut être autorisé et ce qui ne le sera pas. Un peintre allemand pourra ainsi proposer ses services en Belgique sans qu’il soit obligé, comme c’est actuellement le cas d’utiliser une voiture immatriculée en Belgique pour transporter son matériel ».
Mme Gebbhardt se présente comme une pragmatique cherchant une solution équilibrée. Mais on l’a vu ces derniers mois, la droite européenne est majoritaire au parlement et les supporters de la directive Bolkestein n’ont pas déposé les armes.
Depuis l’été les discussions vont bon train dans les différentes commissions du Parlement. Un certain nombre d’amendements ont été adoptés en commission (qui devront être votés en session plénière le 16 février). D’après la rapporteuse du texte, les compromis trouvés avec le PPE « devraient être confirmés par le vote du Parlement jeudi prochain ». Toujours d ’après mme Gebbhardt, le droit du travail et le droit social seront exclus du champ d’application de la directive, et « ce sont donc les règles du pays où le service est proposé qui devront être respectées et ne pourront être remise en cause par les dispositions de cette directive ». Un autre point important : les autres directives comme celles concernant le détachement des travailleurs ne peuvent pas être modifiéespar cette directive des services. En plus de quelques secteurs sortis du domaine d’application de cette directives (santé, audiovisuel, agence de travail intérimaire...), les contrôles, initialement confiés au pays d’origine, seront réalisés « par les états dans lequel le prestataire de service travail ».
Quant au vote, mme Gebbhardt déclare : « J’ai été très soutenue par l’ensemble des députés français, à quelques exceptions près. Les socialistes français voterons contre la directive, pour donner un signal fort, mais ils soutiendront mes amendements.[ ] La plupart des députés des nouveaux Etats membres soutiennent ce principe. C’est logique à court terme. Mais certains d’entre eux ont déjà compris qu’à plus long terme, ils risquent de subir le dumping social d’autres pays. Si nous obtenons une forte majorité cette semaine à Strasbourg, nous pourrons influencer considérablement les futures débats, y compris au sein du Conseil, très divisé lui aussi ».
Voici le communiqué concernant le compromis sur le site du PPE :
09/02/2006 : Directive services : les Députés européens français de l’UMP soutiennent le compromis du Parlement européen.
Les Députés européens de l’UMP (Groupe PPE-DE) se félicitent du compromis conclu ce 8 février 2006 entre les principaux Groupes politiques du Parlement européen sur le projet de directive européenne relative aux services. Ils appellent leurs Collègues à soutenir ce compromis constructif par leur vote, le 16 février prochain à Strasbourg. Ce faisant, le Parlement européen aura entièrement réécrit le projet d’origine, de manière à concilier l’efficacitée économique par l’ouverture du marché des services et la justice sociale par la préservation, aujourd’hui et à l’avenir, des acquis sociaux qui protègent les citoyens des Etats membres de l’Union européenne. Les Députés européens de l’UMP : Jean-Pierre Audy, Roselyne Bachelot, Joseph Daul, Marie-Hélène Descamps, Nicole Fontaine, Patrick Gaubert, Jean-Paul Gauzès, Françoise Grossetête, Ambroise Guellec, Alain Lamassoure, Véronique Mathieu, Tokia Saïfi, Margie Sudre, Jacques Toubon , Ari Vatanen, Christine de Veyrac et Dominique Vlasto.
A la lecture de cet article, des questions me viennent à l’esprit :
- Pour garantir des règles non discriminatoires et proportionnées, le Parlement va dire ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas selon mme Gebbhardt. Mais en matière de proportionnalité, dans le texte de la directive, c’est la Commission Européenne qui est le seul juge et qui, de cette manière, peut gravement influer sur les politiques des états. Qu’en sera-t’il avec le nouveau compromis ?
- Les articles 16* et 24 de la directive n’oblige pas à la déclaration préalable d’activité dans le pays d’accueil et, de ce fait, rendent difficile tout contrôle par le pays d’accueil. Dans ce nouveau contexte, comment l’activité sera-t’elle déclarée ?
- Parmi les articles de la directive de nombreux obstacles à la libre circulation des services sont mentionnés : il est interdit d’interdire la vente à perte (les supermarchés vont adorer), il est interdit d’interdire la publicité aux profession réglementées (les hôpitaux, les cabinets médicaux privés vont adorer...). Et dans ce compromis ?
*Extrait de l’article 16 :
Les Etats membres ne peuvent pas, pour des raisons relevant du domaine coordonné, restreindre la libre circulation des services fournis par un prestataire ayant son établissement dans un autre Etat membre, notamment en imposant les exigences suivantes :
b) l’obligation pour le prestataire de faire une déclaration ou notification auprès de leurs autorités compétentes ou d’obtenir une autorisation de ces dernières, y compris une inscription dans un registre ou dans un ordre professionnel existant sur leur territoire ;
Il faut donc rester vigilant et continuer à montrer notre désaccord avec ce texte. Pour l’instant nous n’avons pas le texte du compromis et nous ne pouvons pas préjuger du vote du Parlement. Continuons à écrire à nos députés et aux président Chirac.
Jean-Claude Leissen
Attac92, Groupe Europe 92