Compte rendu de réunion publique du 24 février 2006 : "La dette des pays du Tiers-Monde"

, par attac92

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Groupe de proximité de Rueil
Garches - Vaucresson - Marnes

LA DETTE
DES PAYS DU TIERS-MONDE

Compte rendu de la réunion publique du vendredi 24 février 2006
Au resto-club Galliéni, à Rueil-Malmaison

Ce vendredi 24 février 2006, vers 20h30, la petite salle du resto-club Galliéni, à Rueil-Malmaison, se remplit peu à peu. Des adhérents habituels, certes, mais aussi quelques têtes nouvelles. Une petite quarantaine de militants, d’adhérents du groupe de proximité d’Attac, ou tout simplement de citoyens attirés davantage, on l’espère, par le thème de la réunion publique du jour que par la perspective, certes alléchante, de se voir offrir le verre de l’amitié à la fin des débats. Le sujet, il faut dire, valait qu’on y prêtât attention. La Dette des Pays du Tiers-Monde, en effet, apparaît comme l’un des enjeux centraux des relations et des solidarités internationales de notre époque. Une vérité plus limpide encore après l’exposé de Damien Millet, président du Comité pour l’Annulation de la Dette des Pays du Tiers-Monde (CADTM) et de Julie Castro, également membre de l’association. Un exposé qui s’est poursuivi par un débat souvent passionné avec l’assistance. Compte-rendu.

Propos recueillis par Cyril Pocréaux

« On a souvent, ces derniers temps, entendu parler de la dette des pays du Tiers-Monde, sujet récurrent dans les médias. Mais comment décrypter les annonces médiatiques, qui affirmaient récemment encore que la dette allait être effacée ? Pour cela, il faut connaître l’historique de cette dette, et s’attarder sur son cycle actuel.


LA DETTE, TOUTE UNE HISTOIRE...

Historiquement, la dette des pays du Tiers-Monde trouve ses bases au sortir de la seconde guerre mondiale. Les Etats-Unis mettent alors en place le plan Marshall, plan de financement et d’aide à la reconstruction de l’Europe pour des raisons politiques et stratégiques. Une quantité de plus en plus importante de dollars se retrouve dans les banques. Dans la foulée, les accords de Bretton Woods imposent des taux de change fixes des monnaies entre elles, monnaies qui deviennent en outre librement convertibles par rapport à l’or. Les banques, qui disposent de dollars, peuvent donc à tout moment demander au trésor américain d’échanger cette monnaie contre de l’or. Ce qui, bien sûr, n’intéresse pas vraiment les Etats-Unis, qui préfèrent garder leurs réserves aurifères. Ils vont donc tout faire pour que les dollars restent en Europe. Dès lors, pour les banques, se pose la question de l’utilisation de leur monnaie. Une des solutions ? La prêter. A qui ? Aux pays qui accèdent à la décolonisation, qui ont besoin d’argent pour se reconstruire, se restructurer : les pays d’Afrique et d’Asie. Mais aussi aux pays d’Amérique latine qui sont en phase d’industrialisation rapide.
D’emblée, les banques européennes offrent des taux d’intérêts bas, car elles ont un réel besoin de prêter leur monnaie. Le discours qu’elles tiennent aux nouveaux pays qui ont conquis leur indépendance est limpide : « L’emprunt vous permet de vous doter d’un appareil de production, production qui va vous permettre d’exporter. Or l’exportation va vous permettre de rembourser votre dette. » C’est malheureusement, on va le voir, un mirage... Ce système d’incitation des pays du Sud à emprunter auprès des banques privées va contribuer à créer une partie de la dette : c’est ce qu’on appelle la part privée de la dette.

Les gouvernements des pays riches vont aussi jouer un rôle majeur. Pour écouler la production de leurs entreprises, ils décident de distribuer du pouvoir d’achat aux pays pauvres. Mais attention ! Cette générosité s’accompagnait bien entendu d’un impératif : « ces pays devront acheter chez nous ». Ces prêts sont donc conditionnés et liés à l’achat - on parle d’ « aide liée ». Cette aide constitue la part bilatérale de la dette.

Troisième acteur à avoir favorisé la création de la dette des pays du Tiers-Monde : la Banque Mondiale. En 1968, le président de cette institution est l’Américain Robert McNamara. McNamara avait été auparavant le PDG du groupe Ford, avant que Kennedy ne lui demande de devenir conseiller à la Défense puis secrétaire d’Etat à la Défense. C’est Mc Namara qui, en particulier, a géré et voulu toute l’escalade de la guerre au Vietnam. En 1968, en devenant président de la Banque mondiale, il étend son rayon d’action au développement après avoir œuvré dans le commerce et la guerre. Or Mc Namara va utiliser la dette comme un levier  : il décide de prêter des fonds à tous les Etats qui vont faire le choix de soutenir le bloc occidental. Suharto aux Philippines, Pinochet au Chili ou la junte militaire argentine vont recevoir de l’argent, et devenir des alliés stratégiques. Un autre exemple : Mobutu, au Zaïre, qui sera subventionné pour contrer l’Angola et l’influence communiste en Afrique centrale. Malgré les violations des droits de l’homme dans son pays, malgré les détournements et la corruption, on choisit de soutenir Mobutu. L’Egypte était également un pays stratégique (il l’est toujours), d’autant que Nasser était sur le point d’en appeler à l’URSS pour régler le problème du barrage d’Assouan. Divers prêts vont en faire une alliée pour le bloc occidental. Ce versant de la dette est connu sous le nom de part multilatérale de la dette.

De 1968 à 1980, la dette des pays du Sud va ainsi être multipliée par douze, et passer de 50 à 600 milliards de dollars. Et McNamara va plus prêter en cinq ans que la Banque mondiale n’avait prêté pendant les vingt-trois années précédentes.

LA QUESTION DU REMBOURSEMENT :
FAUSSES SOLUTIONS, VRAIES CONSEQUENCES

Pour autant, pour les pays à qui l’on prête, le postulat reste le même : ils doivent, encore et toujours, produire davantage. Le problème ? Tous ces pays produisent la même chose... Que dit-on au Mali, au Burkina Faso, au Tchad, au Bénin ? « Allez-y, produisez du coton ! » Du coup, l’offre explose, tandis que la demande stagne puisque c’est la crise au Nord. Et le cours s’effondre. Ainsi, on assiste dans la seconde moitié des années 70 à un effondrement du cours des matières premières. Et donc à une baisse des revenus des pays producteurs, revenus censés rembourser la dette  !

Un autre facteur intervient au même moment : la hausse des taux d’intérêts aux Etats-Unis. Le président Jimmy Carter veut lancer à cette époque un vaste programme militaro-industriel, amplifié après l’arrivée de Ronald Reagan début 1981. L’Etat a donc besoin d’argent. Cette demande provoque une flambée des taux d’intérêt, qui passent de 4 à 18%.
Or les taux accordés aux pays du Sud au moment des prêts étaient certes bas. Bas, mais variables... Avec l’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher, qui va mener la même politique que celle des Etats-Unis, à la toute fin des années 70, les taux augmentent encore. Et dès 1982, le Mexique annonce qu’il ne pourra plus rembourser sa dette. Dans la foulée, quatorze autres pays suivent son exemple.
Les pays du Nord sont alors saisis d’une grande peur : celle que le système n’explose. Il existe deux solutions opposées pour venir en aide à ces pays : soit aider les populations étouffées par la dette, soit aider les créanciers menacés par le non-remboursement. Les pays du Nord vont évidemment choisir la deuxième option.
En 1983, au G7 (le regroupement des sept pays les plus riches de la planète), le FMI est mandaté pour gérer la crise. Le FMI est l’institution chargée depuis 1945 de veiller à la stabilité du système financier international. En 1971, Nixon avait mis fin au système monétaire. Il avait réalisé qu’il existait une masse de dollars trop importante dans le monde, et qu’il serait impossible pour son pays d’en garantir la convertibilité en or. Il rompt donc la convertibilité du dollar avec l’or. La réponse sera alors la fluctuation des monnaies. Résultat : le FMI, dès cette époque, est quasiment une grosse coquille vide. C’est dans ces circonstances qu’on lui demande, au début des années 80, de gérer la crise de la dette. Quelle va être sa réponse ? Une série de mesures et de décisions qui se déclinent en plusieurs temps...

1) Le FMI va aller voir directement les pays endettés, en leur tenant à tous le même discours  : « Vous êtes endettés ? Personne ne veut plus rien vous prêter ? Eh bien nous, le FMI, nous allons continuer à vous prêter des fonds. Mais attention, à une condition : vous allez devoir appliquer la politique que nous allons décider ... » Du début des années 80 à la fin des années 90, la plupart des pays du Sud signent ce pacte. Soit une centaine au total, d’abord en Afrique et en Amérique latine, puis en Asie. On assiste alors au début d’une mainmise totale du FMI sur l’économie des pays du Sud. Et au début des fameux « programmes d’ajustement structurel ». Le principe ? Faire baisser les dépenses, et augmenter les recettes pour permettre aux pays concernés de rembourser leurs dettes. Un des exemples les plus criants de cette politique se noue dans la Jamaïque de Michael Manley, à partir de 1972. Les Etats-Unis ne veulent pas lui prêter à cause de son soutien à Cuba ? Le FMI accepte mais à condition que la Jamaïque prenne des mesures néolibérales, ce que Manley refuse dans un premier temps, avant de céder. Une catastrophe dans un pays essentiellement rural. Mais, en l’occurrence, le seul et unique objectif du FMI est bel et bien le remboursement de la dette. Ce schéma des taux d’intérêts élevés va se retrouver chez la plupart des pays où vivaient de petits producteurs. Et va générer un effondrement de l’agriculture en même temps qu’une désorganisation totale de l’économie.

2) Dans certains pays du Sud, les gouvernements prenaient différentes mesures de subventions publiques à la production d’eau, de lait, de pain, afin que la population pauvre puisse en bénéficier. Des pratiques que le FMI va juger impossibles à perpétuer, car incompatibles avec le remboursement. D’où des émeutes qui vont éclater un peu partout, pour s’opposer à la suppression des subventions aux produits de première nécessité et aux importantes hausses de prix qu’elle implique...

3) Dans d’autres régions s’ajoute le problème de la dévaluation de la monnaie, comme le franc CFA en 1994. Du jour au lendemain, le franc CFA perd 50% de sa valeur. Une dévaluation imposée par deux Français, le Ministre Michel Roussin et le directeur général du FMI Michel Camdessus, persuadés que les marchandises produites par les pays concernés, moins chères, se vendraient ainsi plus facilement. Sans tenir compte que pour en tirer la même somme, il leur faudrait en vendre deux fois plus, et que les produits importés seraient eux, du coup, deux fois plus chers, et la dette aussi... Car la dette, elle, restait toujours à rembourser en dollars. Enfin, les investisseurs les plus riches, sachant que la dévaluation allait avoir lieu, ont bien entendu préféré retirer leurs billes et placer leur argent à l’étranger avant de le rapatrier une fois la dévaluation faite.

4) L’injonction est simple : « Exportez, exportez », répète-t-on aux pays du Sud. Produisez du riz, produisez du coton. Or, prenons l’exemple des pays africains : sur 53 d’entre eux, 31 dépendent de trois produits seulement pour 80% de leurs exportations. Ce qui signifie que si l’une de leurs ressources d’exportation s’écroule, toute leur économie s’écroule. Et n’oublions pas que ces productions de matières premières sont souvent en concurrence avec celle des pays voisins.

5) La doctrine prônée par le FMI est celle d’une libéralisation totale de l’économie. Ce qui signifie que les diverses multinationales doivent pour voir entrer sans entrave sur les marchés intérieurs. Mais toutes vont avoir le même comportement : une fois qu’elles auront, sur place, réalisé des profits, elles vont rapatrier ces gains vers les maisons mères grâce à la liberté de mouvement des capitaux. La logique va aussi être de privatiser toute entreprise locale susceptible d’être rentable pour ces multinationales. Des entreprises qui ne vont pas se gêner pour profiter de l’occasion, comme a pu le faire par exemple, EDF à l’étranger. En l’occurrence, l’entreprise française a eu un comportement et une attitude de firme privée sur ces questions.

La même trame, le même souci de démantèlement des structures nationales s’est d’ailleurs imposé au Nord. En ce sens, l’appellation « Nord et Sud » n’est sans doute pas un bon clivage. Il ne convient pas d’observer et d’analyser cette situation comme un match de foot, avec deux camps adverses qui s’opposent. Le clivage, le vrai, réside entre ceux qui profitent de la situation, et ceux qui la subissent. En d’autres termes, le clivage est entre les populations d’un côté, les créanciers et les potentats locaux de l’autre dans les pays du Sud. Mais les peuples remboursent également, au Nord, la dette de leurs Etats aux mêmes créanciers. La logique est comparable.

RIEN NE VA PLUS... ET MAINTENANT ?

Qu’observe-t-on, avec un peu de recul, alors que le FMI prétendait savoir prévenir les crises ? En fait, ces crises se multiplient. En 1994 au Mexique, en 1997 en Asie du Sud-Est, au Brésil en 1999, en Argentine en 2002, et on en passe... Et c’est là que les dirigeants des pays riches reconnaissent que la dette n’est pas une question conjoncturelle, mais structurelle. Un des points, un des rouages essentiels du modèle économique mondial. D’où l’idée, qui va commencer à apparaître, du besoin d’annuler cette dette. Le G8 va d’abord décider d’annuler 33%... d’une petite partie de la dette globale. Sans que les choses ne s’arrangent le moins du monde. Ce taux va alors être successivement revu et augmenté. On va passer à 50, puis à 67, 80, 90% d’annulation.

Mais ces décisions, on l’a dit, ne concernent pas l’intégralité de la dette. Seuls sont concernés les PPTE, les « Pays Pauvres Très Endettés » et pour une part de leur dette. Que va-t-on faire ? On va demander à nouveau à ces pays, pendant trois ans, de mener des politiques d’ajustement structurel soutenus. En leur répétant que si elle n’avaient pas fonctionné pendant vingt ans, c’est parce qu’ils ne les avaient pas bien appliquées... Un comportement pour le moins étrange, non ? En science, lorsqu’une expérience ne fonctionne pas, on remet en cause la théorie qui la sous-tend et la science avance. Mais les responsables internationaux et les dirigeants du FMI ne fonctionnent visiblement pas sur ce modèle. Au bout de trois ans, on évalue à nouveau la situation, en regardant si le poids de la dette est, ou n’est pas, soutenable. Ce qui reste un critère parfaitement subjectif  ! Pour quatre pays, on a ainsi décidé que la dette était à nouveau soutenable. Et qu’ils allaient donc devoir tout payer.
Les autres, dont la dette reste « insoutenable » ? On va annuler cette part « insoutenable » de leur dette. On ne cherche donc aucunement à l’annuler totalement, mais à annuler ce qui, de toute façon, est strictement impossible à payer... La rengaine du FMI ? « On ne récupérera pas tout, mais l’argent doit quand même arriver. » Un refrain surtout destiné à ce que l’argent continue à rentrer régulièrement. Mais cela n’a pas suffi...
Au point qu’au sommet de Londres, en 2005, on annonce de manière spectaculaire qu’on va annuler 100% de la dette de dix-huit pays. Soit 40 milliards de dollars. Pourquoi ? Nous sommes arrivés, avec ces dix-huit pays, à la fin du processus mis en place avec les « Pays Pauvres Très Endettés ». Une fin de processus sans cesse repoussée. Or ces dix-huit pays sont arrivés au point d’achèvement du système voulu et mis en place par le FMI, qui a réformé à tour de bras pendant au moins quatre. Des pays qui sont désormais sous son contrôle, qui exercent une politique néo-libérale complète. On peut donc décider de desserrer l’étau de la dette. Le G8 va donc imposer au FMI, à la Banque mondiale et à la Banque africaine de développement d’annuler la dette de ces pays. Au passage, il est à noter que les huit pays les plus puissants imposent aux 178 autres leur bon vouloir politique...

Mais il est à noter, finalement, que ces annulations n’amènent strictement rien aux populations concernées. Voilà pourquoi le CADTM demande non seulement l’annulation de toute la dette, mais aussi que l’arrêt des politiques d’ajustement structurel et la mise en place d’une autre logique où les populations du Sud peuvent décider de leur avenir dans leur intérêt. Car on observe, dans les pays en difficulté, que les situations de pauvreté n’ont pas changé. On parle de construire des dispensaires, des écoles... Sauf que, désormais, dans ces économies libéralisées à l’extrême, l’Etat n’a même plus le droit de former et recruter davantage d’enseignants ou de médecins. Ce sont les « clients » qui doivent financer ces institutions, mais la majorité de la population n’en a pas les moyens... Nous appelons donc, au CADTM, à un changement complet de logique. Avec un objectif incontournable : satisfaire les besoins humains fondamentaux des populations - l’un des arguments forts que nous développons pour exiger l’annulation de la dette. »

POURQUOI UNE ANNULATION INCONDITIONNELLE ?

« On l’a vu, la Banque Mondiale comme le FMI se sont posés en acteurs principaux du mécanisme de la dette, tout en s’estimant légitimes pour la décrire et y remédier... Or on peut développer plusieurs arguments pour une simple annulation totale et inconditionnelle de la dette.

 D’abord des arguments économiques. La dette extérieure publique (contractée auprès des créanciers, des banques, des Etats, du FMI...) représentait 1600 milliards de dollars au niveau mondial en 2004. Pour avoir une idée, les dépenses militaires mondiales représentent chaque année 1000 milliards de dollars.
Tandis que l’aide publique au développement équivaut à 78 milliards annuels, chaque année, 90 milliards de dollars vont des populations des pays endettés vers les créanciers. Le transfert net de la dette et de l’aide est donc négatif pour les pays du Sud. Par ailleurs, ces sommes et transferts en jeu dans la question de la dette sont, à l’échelle internationale, infimes par rapport à l’ensemble des transactions financières quotidiennes, de l’ordre de 1250 milliards de dollars par jour  !
Enfin, on peut remarquer que la dette a d’ores et déjà été remboursée, si l’on prend en compte la baisse du coût des matières premières et la hausse des taux d’intérêts. D’une manière globale, pour 1 dollar dû en 1980, les pays du Sud en ont remboursé huit et en doivent encore quatre...

 Arguments moraux, ensuite. Parce que la dette est un obstacle à la satisfaction des besoins humains fondamentaux que sont par exemple l’accès à l’eau potable, la santé, l’éducation... L’UNICEF a calculé que la satisfaction de ces besoins correspondrait à un investissement annuel de 80 milliards de dollars sur dix ans. Un peu moins que le transfert annuel de la dette des pays pauvres vers les pays riches...

 Des arguments historiques, qui renvoient aux politiques d’ajustement structurel, mais aussi à l’esclavage et à la colonisation. Ces politiques ont conduit de fait à ce que les pays riches ont, tout simplement, dicté leur politique aux pays du Sud. C’est, pour eux, une perte de souveraineté inacceptable. On peut y voir la mise en place d’une continuité entre le projet colonial de la fin des années 60 et une domination économique qui le remplace aujourd’hui. Annuler la dette, c’est aussi rétablir ces pays dans leur souveraineté politique et économique.

 Autre argument : la dette n’est pas qu’économique, et ne va pas dans un seul sens. Elle est aussi écologique, et représente cette fois un dû des pays riches aux pays pauvres. Dans les pays qui ont subi les ajustements structurels, la transformation des économies a ravagé le milieu naturel. Pour pouvoir rembourser leur dette, les pays du Sud ont surexploité et bradé leurs ressources. Les forêts tropicales, par exemple, ont été exploitées. Souvent pour les bénéfices des multinationales qui ont profité de la situation et des politiques mises en place.

 Un argument politique, enfin : la dette a organisé une domination des pays les plus pauvres par les plus riches. Elle a aussi engendré la corruption et la pauvreté, ce qui a fait que les annulations, un temps, ont été conditionnées à une « bonne gouvernance » et à la réduction de la pauvreté. Bref, dans un sens ou dans l’autre, il y a toujours une imposition d’une volonté politique extérieure, après que les institutions internationales eurent organisé et créé la dette.
Le CADTM fait également sienne la doctrine de la « dette odieuse »  : si la dette a été contractée par un régime dictatorial, qu’elle n’a pas servi à la population mais à ce régime, elle n’a pas à être remboursée. Comment peut-on demander au peuple de rembourser la dette d’un Mobutu ?

Pour finir, on relèvera que, ici et là, dans les pays endettés, des mouvements naissent, apparaissent, se développent et grandissent pour relayer et imposer ces positions. « Jubilé Sud » est un mouvement intraitable qui répète « nous ne devons rien, et nous ne verserons rien ». On peut citer des initiatives telles que la Caravane du Niger, dont le but est de créer du débat et de faire prendre conscience aux habitants du problème. Partout, les acteurs locaux se structurent et agissent dans un même objectif : l’annulation totale inconditionnelle de la dette extérieure publique des Pays du Tiers-Monde. »

A savoir :

Une bande dessinée sur la Dette a été publiée par le CADTM : « DETTE ODIEUSE », par Frédéric Chauvreau et Damien Millet (Ed. CADTM/Syllepse, 48 pages, couleur, 9 euros).
La BD sera en librairie à compter du 3 mai 2006. Pour la découvrir en exclusivité, vous pouvez la commander directement au CADTM (chèque à l’ordre du CADTM en précisant nom et adresse de livraison) : CADTM France, 17 rue de la Bate, 45150 Jargeau, France. Tel : 02 38 59 98 28 ; E-mail : france@cadtm.org.