LE SERVICE PUBLIC : DEFINITION ET EVOLUTIONS

, par Alain Lecourieux

Le concept de " service public " recouvre en France deux éléments bien distincts : d’une part les missions de service public et d’autre part les entreprises publiques gérant certains services publics. Cette situation originale de confusion des missions et des moyens de réalisation provient de l’histoire de notre pays et notamment des réformes issues des nationalisation de 1946.

A) Les missions de service public :

Les missions de service public sont créées par des actes politiques.

Le service public n’existe pas par nature, il émane de la volonté politique. En effet, c’est l’autorité publique (nationale ou locale) qui définie la mission de base répondant à un besoin d’intérêt général qu’elle a pour tache d’identifier.

Les besoins de service public émanent :
 soit de droits fondateurs (constitution, droits de l’homme, droits de l’enfants),
 soit de l’intérêt collectif ou de l’utilité sociale,
 soit de la couverture de besoins vitaux,
 soit d’intérêts nationaux (aménagements du territoire)
 soit enfin de la gestion d’un patrimoine collectif (ex. : musée).

On notera que la constitution impose à l’Etat, donc aux services qu’il crée, des devoirs de solidarité, d’égalité et de justice socialepublique s’installe sur des secteurs non couvert par les . Le plus souvent, la mission de service systèmes marchands concurrentiels. En effet, les missions de service publique répondent à des besoins structurants de la société nécessitant un investissement de long terme peu compatible avec les normes de rentabilité à court terme.

Les missions de services public sont issues d’actes législatifs

Les actes législatifs (loi nationale, arrêtés municipale…) définissent non seulement l’objet de la mission mais aussi le cadre de sa réalisation (cahier des charges).

Les missions de service publique s’exercent traditionnellement hors concurrence sur un champ de " client captif "

Cela qui permet d’assurer le financement du service et sa gestion. C’est la notion d’équilibre des concessions publiques.

En contre-partie de la " captivité ", le client se transforme en usagers en gagnant des droits inaliénables définis par la loi.

La naissance et la régulation de ce secteur non concurrentiel à donc donné naissance à la juridiction administrative différente du droit commercial et privé. L’ensemble des services publics est soumis au droit administratif.

Les missions de service public ont pour particularité un transfert de rentabilité vers les usagers bénéficiants des services à des fins économiques.

La rentabilité de l’investissement collectif ne doit donc pas être recherché à l’intérieur du système mais plus globalement sur l’ensemble de l’activité économique (ex : l’éducation nationale permet une économie de formation aux entreprises).

Les missions de service public doivent être mise en œuvre en respectant trois principes fondateurs :

a) la continuité (assurance du service 24h/24h – 365 jours par an, déploiement géographique….)

b) l’égalité (égalité d’accès et de traitement, non discrimination, à chacun selon ses besoins…)

c) la mutabilité (adaptabilité à l’évolution des besoins des populations, de l’intérêt général et des défis technologiques).

S ’y ajoute, depuis peu, les principes de transparence et de concertation. Ces nouveaux principes sont issues d’une part de la volonté de briser la corruption qui parasitait de nombreux secteurs, et d’autre part de la prise en compte de la démocratie locale (associations, collectivités territoriales…)

B) La gestion des services publics :

Une fois la mission définies, plusieurs possibilité s’offre aux pouvoirs publics : soit réaliser les missions lui même, soit les déléguer à un tiers (privé ou public) par un contrat administratif. Il existe plusieurs types de délégation : concession, affermage, gérance, régie intéressée ou contrat mixte.

Les compétences régaliennes de l’Etat (justice, police, armée…) ne sont pas déléguables.

Pour comprendre la composition actuelle du droit français, il faut se rappeler que les premières missions de service public nées au XIX siècle était le plus souvent assuré par des personnes privées sous le régime de la concession. Ce système de délégation n’est que l’évolution des " charges royales " de l’ancien régime qui étaient misent aux enchères afin de remplir le Trésor.

La spécificité française est essentiellement imputable aux lois de nationalisation d’après guerre dans un contexte politique et social favorable aux " entreprises collectives nationales ". Vont alors naître les administrations actuelles ainsi que les grandes entreprises nationales de service public comme EDF, PTT...

La constitution des monopoles nationaux (ou régionaux, communaux, départementaux) verticalement intégrés (de la production à la distribution) répondait à une logique économique (on parle de monopoles naturels) liée à la recherche de la meilleur efficience économique (économies d’échelles) mais aussi à la nature des service dits de " réseaux ". Enfin, le monopole répondait à la nécessaire égalité des clients captifs grâce, par exemple, à la péréquation tarifaire.

Du fait de l’investissement énorme à réaliser dans une période de reconstruction, l’Etat, garant de la solidarité nationale, est naturellement devenu propriétaire et financeur des nouvelles sociétés de service public( au nom de la socialisation des investissements collectifs). C’est une période où la charge crée la ressource.

Depuis les années 60, certains services publics à caractère industriel et commercial se trouvent confrontés à des surproductions qu’il faut valoriser (à la demande de l’Etat ?). C’est le début de l’intrusion du " commercial " dans les services publics. Peu à peu , s’engage un mouvement de délégation vers le privé au nom de l’efficience économique et de la réduction des dépenses publiques. L’offensive néo-libérale trouvera un terreau fertile pour s’implanter et d’abord au niveau des collectivités locales (la décentralisation et son transfert de budget rendait le secteur attractif d’autant que le financement des activités politiques n’était pas réglementé).

Ce glissement a d’autres répercussion avec un retour vers le droit commercial au détriment des juridictions administratives. En clair, la décision politique a moins en moins de prise sur l’exécution de la mission de service public conçu comme un acte avant tout commercial.

Aujourd’hui, plusieurs systèmes coexistent : Il n’y à pas un service public mais DES services publics.

Le tableau suivant bien que non exhaustif permet d’apprécier les différences d’organisation des services publics :

C) Evolution récente :

Les évolutions récentes des services publics proviennent de la conjonction de trois phénomènes :
 l’intégration européenne,
 la crise de surproduction globale,
 la mutation technologique.

Les réponses données par l’U.E à ces problèmes économiques sont issues de la logique libre échangiste qui était au cœur de la formation du marché commun. Le néo-libéralisme développée par la commission a contribué à introduire de plus en plus des critères commerciaux de concurrence dans les systèmes de service public.

Ainsi, aux notions de base françaises se sont rajoutées : le principe de sécurité, de qualité, de régularité et coût (prix) qui constitue le corpus de " l’efficience économique ".

La commission européenne ne reconnaît pour l’instant que les missions d’intérêts économiques général garante de la cohésion économique et social de l’Union. Ces missions devant s’effectuer sous un contrôle (public ou privé), dans la transparence (communication ?) et de façon non discriminatoire. Enfin l’Union reconnaît aux états membres le droit à des politiques nationales de services publics mais uniquement sur la programmation à long terme et la mutualisation des financements des activités non rentables, le reste devant être l’affaire des marchés.

On constate aussi un dérive de notions de base comme :
a) la justice sociale est remplacée par la " cohésion sociale " ce qui remplace la notion de justice (Etat de droit) par une cohésion laissant place aux inégalités sociales.
b) la solidarité est renvoyé à un " service universel " visant les groupes sociaux défavorisées ce qui constitue une sectorisation de la solidarité
c) Egalité se transforme en équité : de chacun selon ses besoins vers chacun selon ses moyens

La notion de " coûts " et donc de " prix ", devenant primordiale dans les marchés libéralisés, la commission européenne demande la séparation des comptes entre les activités rentables et les missions relevant de la solidarité nationale afin de " protéger " les clients captifs d’éventuels transfert de charge de secteurs déficitaires vers les secteurs captifs. Cette séparation légitime, si l’on n’y prend garde, préfigure une coupure plus radicale prôné par les libéraux conduisant à privatiser les secteurs rentables tout en reportant sur l’impôt le coûts de la solidarité.

Enfin, les droits attachés au " statut " d’usagers se transforment de plus en plus en clauses de contrat commercial dont la France a découvert l’arbitraire et les abus avec le développement de la téléphonie mobile.

Nous assistons donc à une re-définition complète de la notion de service public sous l’impulsion d’institutions internationales comme l’OMC (négociations des AGCS), de la Commission Européenne (directive), du FMI (Plan d’Ajustement Structurel).

Les missions de service public étant largement rattachées à des droits fondamentaux exprimant les valeurs de " base " de la société, le travail linguistique et idéologique actuellement réalisé sur le contenu et la gestion des service public n’est pas anodin. Ce travail de réforme touche aux fondements de la citoyenneté et de l’Etat.

Cette " modernisation " du concept de service public est au cœur d’une nouvelle formulation des droits humains sur des bases mercantiles et concurrentielles favorables aux " milieux des affaires ".

LES IDEES FORTES :

a) Le service public émane de la volonté politique fondée sur le droit fondateur (constitution et droits de l’homme notamment).

b) Le droit administratif défini le cadre juridique du service public.

c) Le service public doit respecter les principes de :
 Continuité
 Egalité
 Mutabilité
 Transparence
 Concertation.

d) L’usager (client captif) possède des droits ancrés dans la loi.

e) Il n’y a pas UN type service public mais DES services publics.

NOTIONS FONDATRICES DU SYSTEME PUBLIC : Evolution vers le modèle européen !

"Archaïsme" "Modernité"

Bibliographie :

1) "Contre les privatisations, une économie plurielle"
* B. Cassen Monde diplomatique mai 2000

2) "Le service public en question"
* CFDT chimie-énergie Initiatives syndicales n°4 - 1999

3) "Pour une nouvelle politique énergétique"
* CFDT chimie-énergie Initiatives syndicales n°9 - 2000

4) " les services publiques "
* ATTAC ATTAC.org/sommet social

5) " Alerte générale à la Capture des Services publics "
CCC-OMC CCC-OMC avril 2000

6) " Les modes de dévolution contractuelle du service public "
P. Manojlovic Internet : servicepublic.com

7) " Institutions publiques et société civile "
S. George Internet : stars.coe.fr - 1999

8) " Conclusions du conseil européen de l’énergie – Bruxelles 2000 "
* Actualité électrique européenne n° 541 – juin 2000

9) " Loi n° 200-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité "
assembléenationale.gouv.fr

10) " Directive 96/92/CE concernant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité "
document Internet

11) " Vers la futur organisation électrique française"
Ministère de l’Economie - 1998

12) " Livre blanc du gouvernement sur la transposition de la directive européenne 96/92 "
document Internet

13) " Communication de la commission au conseil et au parlement européen : les progrès
récents dans la réalisation du marché intérieur de l’électricité "
* Actualité électrique européenne n° 539 c – mai 2000

14) " Règles d’ouverture de marché et potentialités de déstabilisation d’une industrie électrique
intégrée en économie ouverte – scénarios d’évolution de l’industrie électrique française "
* D. Finon cahier de recherches n° 17 de l’IEPE - 1999

15) " Eléments d’environnement concernant l’évolution du marché de l’électricité "
SYNDEX rapport au CCE-CNR - juin 2000

16) " service public et secteur de l’énergie : problématiques, enjeux et politiques "
Revue de l’énergie – mars 1997