Contribution à l’organisation d’Attac sur le chantier : AGCS et services publics

, par Alain Lecourieux

Projet - Vos remarques, commentaires, critiques et suggestions sont les bienvenues

AGCS ET SERVICES PUBLICS

Le champ d’application de l’AGCS

Commençons par une citation du début de l’article 1er de l’AGCS : " les services (auxquels s’appliquent cet accord) comprennent tous les services de tous les secteurs à l’exception des services fournis dans l’exercice du pouvoir gouvernemental ; un tel service s’entend de tout service qui n’est fourni ni sur une base commerciale, ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de services. "

Selon cette définition le champ de l’AGCS comprend donc tous les services, c’est-à-dire :
 les services proprement dits qui supposent un travail effectué avant et surtout pendant la consommation ; mais aussi les " promesses " : assurances, spéculation sur les produits financiers, les changes … et formes illégales ou criminelles de services telles que corruption, blanchiment de l’argent sale ; ces promesses supposent essentiellement un travail futur, qui suit la consommation … ou pas de travail du tout ;
 tous les secteurs d’activité sont concernés par l’AGCS, puisqu’aujourd’hui il n’y a plus de produits sans services associés ; citons certains secteurs où la partie " services " domine : santé, éducation, transports, télécommunications, culture et loisirs, environnement (déchets, asssainissement, etc.), recherche, énergie, eau, services financiers, services postaux, services professionnels (professions libérales), tourisme, la distribution, l’internet et le commerce électronique ; c’est 64% du PIB e France ;
 tous les modes de " production " des services sont concernés : fourniture transfrontalière, consommation à l’étranger, présence physique d’une filiale d’un prestataire étranger, présence de personnes physiques qui quittent leur pays pour aller exercer leur métier dans un pays tiers.

Sur l’AGCS, lire le rapport de Béatrice Marre " De la mondialisation subie au développement contrôlé " , Assemblée nationale, rapport n° 1824 où l’auteur mélange le pire et le meilleur dans un exercice de manipulation politique très néo-libéral, sous une logomachie sociale- démocrate. Une mention spéciale pour la brochure de la CCCOMC : " Alerte générale à la capture des services publics ".

Le service public

Lire l’excellent petit livre de Pierre Bauby : le service public, dans la collection Dominos (et bien d’autres publications) qui retrace la tradition, la doctrine, les forces, les faiblesses du service public en France et en Europe ; la vague de libéralisation dès les années 80 ; la nécessaire refondation, … encore dans les cartons.

LES ACTEURS EN PRESENCE DANS UNE CAMPAGNE UNITAIRE CONTRE L’AGCS ET POUR DES SERVICES PUBLICS RENOVES

Le discrédit qui frappe les politiques (et pire encore la politique)

Impasses économique, sociale, écologique, donc au total politique, on trouve, dans ce discrédit, les motifs principaux suivants qui concernent tous une conception refondée des services publics :
 la mauvaise gestion de l’argent public (les avions renifleurs, le Crédit Lyonnais, le GAN, Elf, la gestion des marchés publics, la distribution, les concessions de services publics locaux, la corruption, les affaires, etc.) ; l’impuissance du contrôle (Cour des comptes, régulateur subordonné à l’opérateur, etc.) ;
 l’impuissance dissimulée des politiques dans la résolution de problèmes cruciaux tels que le chômage depuis 1973, la montée des inégalités, la démocratie en Europe, la gouvernance mondiale, la protection de l’environnement : " Ces mystères nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs ! " Jean Cocteau ; l’affaiblissement de l’Etat au seul profit des transnationales ;
 le brouillage, la disparition du clivage gauche-droite, la dictature du court terme, du nomadisme, l’absence de sens, dans l’accumulation sans fin du capital ;
 les logiques fiscales internationales (dumping) et nationales à toutes épreuves : baisse des impôts et des cotisations sociales sous la pression des lobbies, maintien ou augmentation du déficit public, baisse des dépenses publiques pour le contenir, financement du déficit public en enrichissant, par des taux d’intérêts scandaleux, ceux à qui on a réduit les impôts ; forte imposition du travail, faible imposition (ou imposition nulle – les non-résidents) du capital ; en bref transfert de richesses des pauvres vers les riches ;
 la puissance de subversion de la technoscience, de la technologie dans tous les secteurs de la vie par les supports et les contenus ; l’alibi que la technoscience fournit maintenant aux politiques ;
 le repli des hommes et des femmes, écrasés par les souffrances du travail, niés par l’exclusion, sur une sphère privée marchandisée et " flicée " par les produits et les services ; la juridicisation de la société autour du droit anglo-saxon, la contractualisation des rapports sociaux ;
 l’échec et le pillage du Sud, l’esclavage des femmes et des enfants ; le combat de la poule libre (le Sud) et du renard libre (le Nord) dans le cadre du libre-échange néo-libéral et de la " concurrence " des oligopoles (Cf. " Un nouveau modèle économique " par Amartya Sen, Odile Jacob).

Une politique de services publics forte, démocratique, refondée sur des bases nouvelles (équilibre entre efficacité économique et sociale, accès égal de tous, péréquation des prix, effet redistributif, développement de la cohésion sociale, coopération avec le Sud, etc. ) pourrait contribuer à conjurer, pour partie, ces sept périls. Y a-t-il un sens, un projet plus fort à donner à la construction européenne que des services publics soucieux de l’intérêt général qui ferait des citoyens des acteurs centraux ? Ou bien est-on condamné à être eurosceptique, eurolibéral ou fédéraliste, amoureux soit du repli, soit du marché, soit d’une Constitution (Cf. " Après l’Etat-nation " de Jürgen Habermas, Fayard) ?

Le capitalisme, la critique artiste et la critique sociale, les syndicats, le néocapitalisme

Lire le livre " Le nouvel esprit du capitalisme " de Luc Boltanski et Eve Chiapello, Gallimard, où les deux auteurs montrent comment le capitalisme a récupéré la critique artiste, née de Mai 68, et comment la critique sociale manquait le tournant du néocapitalisme.

Lire aussi le livre " L’âge de l’accès " de Jeremy Rifkin, La Découverte, où l’auteur montre que nous vivons une mutation sans précédent où les marchés laissent la place aux réseaux, les biens aux services, les vendeurs aux prestataires et les acheteurs aux utilisateurs . Où le recours au leasing, aux licences, aux abonnements sonne le glas de la propriété. Où les nouveaux géants de l’économie veulent nous faire adhérer à l’imaginaire de leurs marques, à nous regrouper en clubs, à nous faire partager des émotions communes.

Les associations, les ong, les mouvements de citoyens, Attac et tous les autres, les citoyens isolés

Lire le livre de Pierre Ronsanvallon, " La démocratie inachevée, histoire de la souveraineté du peuple en France ", Gallimard. Il convient de citer ici la fin du livre :

" La solidarité de citoyenneté est beaucoup plus exigeante. Elle implique à la fois de réaliser une certaine égalité des chances et d’arriver à une proximité, même très relative, des niveaux de vie. Dans les pays industrialisés, elle se traduit par des prélèvements obligatoires qui oscillent entre 35% et 50% de la richesse nationale …

La grande tentation actuelle est de voir reculer cette exigeante solidarité de citoyenneté …

Une vision renouvelée et exigeante de la nation a pour cette raison encore un avenir. Elle a pour mission de réaliser en petit ce que le monde ne peut pas encore faire en grand …

Les interrogations sur la mondialisation et les réflexions sur la solidarité convergent de la sorte pour remettre au cœur de nos sociétés la question de la démocratie dans son lien à celle de la nation.

Loin de disparaître dans le vide qui se serait creusé entre la vie accrue des individus et l’ouverture accélérée du monde, l’idée de souveraineté du peuple a un long avenir devant elle … "

COMPRENDRE ET AGIR ENSEMBLE DANS LE CADRE D’UNE CAMPAGNE UNITAIRE CONTRE L’AGCS ET POUR UNE REFONDATION DES SERVICES PUBLICS EN FRANCE, EN EUROPE, DANS LE SUD … ET AILLEURS

Lire le document d’Attac distribué lors de son assemblée générale à Saint-Brieuc, les 28 et 29 octobre 2000, et intitulé : " Non, l’OMC ne nous fera pas le coup de l’AMI, avec l’AGCS ! ".

Ce document :
 reconnaît la lutte contre l’AGCS et le renforcement des services publics comme un des dix chantiers prioritaires d’Attac,
 décrit la logique dévastatrice de l’AGCS,
 rappelle les échéances de l’OMC, de mars 2001 et de fin 2002,
 veut une démarche ouverte sur les organisations qui poursuivent les mêmes buts qu’Attac (syndicats, associations et ong, élus, citoyens),
 fixe l’objectif : " construire un rapport de force qui soumette l’AGCS à la loi de la démocratie, ou le supprime ",
 prend acte des actions en cours dans les comités locaux d’Attac,
 suggère quelques éléments d’un plan d’action à construire avec nos partenaires,
 propose qu’Attac s’organise dès novembre 2000 et que ceci soit matérialisé par une " réunion d’organisation ",
 indique que des contacts seront pris dès fin octobre 2000 avec nos partenaires.

Une " réunion d’organisation " suppose l’adoption de quelques principes qui sont proposés ici :
 il s’agit d’un chantier d’une durée minimum de deux ans,
 l’organisation d’Attac est un réseau de personnes ou de groupes (adhérents, comités, groupes thématiques, conseil d’administration d’Attac, conseil scientifique, membres fondateurs) dont les règles du jeu sont matérialisées dans un court document approuvé lors de cette " réunion d’organisation " ; l’embryon de ces règles figurent ici ;
 " l’orchestration " consiste à sélectionner, communiquer et médiatiser les meilleures idées et pratiques du réseau ou des partenaires, qu’il s’agisse de " comprendre " ou d’" agir " ; les personnes qui sélectionnent, communiquent et médiatisent, dans Attac, seront représentatives du réseau Attac (comité d’animation de la campagne unitaire) ;
 " l’orchestration " sera respectueuse des identités des adhérents, des comités locaux, du conseil d’administration d’Attac ; " l’orchestration " n’est donc pas attrape-tout, elle laisse hors de son champ des initiatives portant sur ce chantier ;
 la construction et la réalisation de la campagne unitaire avec nos partenaires passent par une identification et un accord des partenaires, une information sur notre organisation et sur la leur, une formulation des objectifs, une identification des actions communes (" comprendre " et " agir ") et une réalisation en commun de ces actions ;
 les contacts locaux, régionaux et nationaux, en France ainsi que les contacts internationaux seront pris par le réseau Attac, en fonction des compétences de ses membres ; les contacts avec les partenaires d’Attac ne sont donc pas réservés au " centre " du réseau Attac ;
 les comités locaux sont invités à désigner un ou plusieurs adhérents, prêts à consacrer du temps à ce chantier ; ces adhérents pourront être soit des représentants géographiques du comité, soit des représentants thématiques, spécialisés sur un des secteurs des services : éducation, santé, culture, transports, énergie, etc..

Alain Lecourieux