Un nouvelle dynamique pour ATTAC : "ATTAC et les partis politiques"
Texte élaboré par le groupe de proximité de Rueil - Garches - Vaucresson - Marnes la Coquette
Jeudi 20 novembre 2003 : le début, pour le groupe de proximité de Rueil - Garches d’une série de trois débats choisis dans la lignée de la « nouvelle étape pour ATTAC ». Une initiative du bureau national qui vise à réfléchir aux nouvelles orientations et contours de l’association, quelque cinq ans après sa création. Avant d’aborder les questions de la désobéissance civile puis des alternatives au libéralisme en décembre et en janvier, la quinzaine d’adhérents présents ce soir-là s’est donc penchée sur la question des rapports entre ATTAC et les partis politiques. Un thème qui a permis de dégager un très large consensus au sein du groupe. Non, ATTAC ne deviendra pas un parti politique. Du moins pas si on demande aux militants de Rueil - Garches de décider. Compte rendu thématique des débats.
COMMENT INFLUER SUR LA VIE POLITIQUE TOUT EN SE SITUANT A L’EXTERIEUR DES PARTIS ?
Quelle est la différence fondamentale entre les partis politiques classiques et un mouvement comme ATTAC ? Les partis sont des structures qui élaborent des programmes pour prendre le pouvoir et faire passer leurs idées, parce qu’ils considèrent que le meilleur moyen de faire passer ces idées est justement de disposer du pouvoir. ATTAC, de son côté, se refuse à changer les choses par ce biais, en prenant le pouvoir. Reste la question : quels seront les moyens mis en œuvre par l’association pour faire passer ses idées, pour influer sur les partis ?
La question de savoir si ATTAC doit se transformer en parti politique sous-entend que l’association n’a le choix qu’entre deux options pour changer les choses : se transformer en parti politique, ou faire la révolution. Une question, toutefois, mérite d’être posée, qui ouvre peut-être une troisième voie : ne peut-on pas considérer qu’ATTAC peut avoir une influence sur les partis politiques, donc sur les décisions qu’ils prendront ? Une question qui en induit d’autres : ATTAC aura-t-elle assez d’influence ? Comment mieux contrôler et faire pression sur les partis ?
D’une manière générale, nous sommes un peu bloqués face à cette question du rapport aux partis politiques. Mais est-ce qu’on ne peut pas considérer aujourd’hui qu’il existe d’autres moyens d’influer en politique, comme le fait de créer et de faire grandir un mouvement de pensées ?
ATTAC ne peut-elle pas, et ne cherche-t-elle pas, tout simplement, à agir sur les partis de manière indirecte, en agissant d’abord sur les citoyens ? Des citoyens qui, in fine, ont le droit de vote…
BATAILLE POUR LE POUVOIR, OU POUR L’OPINION PUBLIQUE ?
Si on doit parler de conquête de pouvoir, il faut d’abord définir ce qu’est le pouvoir. Est-il vraiment, aujourd’hui, dans les mains des partis ou des représentants politiques ? Les partis tels qu’ils existent aujourd’hui n’ont pas le pouvoir, qui se trouve plutôt dans l’économie, dans les médias…
Cette question du lieu du pouvoir en France mériterai toutefois débat : les partis ont sans doute bien plus de pouvoir qu’on ne veut bien le dire aujourd’hui. Ne choisissent-ils pas, finalement, de ne pas en user, de laisser le champ libre aux forces économiques en particulier ?
Le rôle le plus important reste sans doute celui de l’opinion publique. La bataille à mener est donc celle de l’éducation populaire. La ré-appropriation de l’information qu’on nous diffuse est essentielle, car sans elle les citoyens seront amenés à baisser les bras.
En d’autres termes, la bataille à gagner ne serait pas celle des élections, mais de l’opinion. Ce qui implique de choisir des thèmes et des cibles, comme le fait ATTAC. Et on ne peut pas dire que le succès n’est pas au rendez-vous. Aujourd’hui, de Fabius à Juppé, tout le monde se dit altermondialiste, preuve que du travail a été accompli.
S’ALLIER, COLLABORER AVEC UN PARTI ?
Pourquoi les expériences de la gauche au pouvoir ont-elles échoué ? A cause d’un manque de contrôle populaire. Les électeurs, les citoyens doivent être plus vigilants une fois qu’ils ont élu leurs représentants. C’est en particulier un travail qui incombe au monde associatif. ATTAC peut-il aller plus loin, dépasser cette forme d’action ? Le but ultime n’est-il pas de conquérir les pouvoirs, quelle que soit leurs formes ? On a eu l’exemple de la liste des " Motivés " pour les élections municipales à Toulouse. Dans cet ordre d’idées, on pourrait par exemple imaginer ATTAC s’associer à des partis politiques qui ont des points communs avec ses idées, pour des élections aux enjeux locaux. Les Régionales en particulier. Pourquoi ne pas imaginer la création, pour ce type de scrutin, d’un pôle anti-libéral, voire même une participation ponctuelle d’ATTAC au pouvoir ?
La question, dès lors, se pose : comment instaurer concrètement une collaboration avec des partis pour des échéances électorales ? En désignant des candidats qui figureront sur les listes de partis ? Mais comment seront-ils désignés au sein d’ATTAC ? En organisant des primaires, des votes internes ? Quelle sera leur liberté d’action de parole, si un programme clair et commun à ATTAC dans le cadre de ces élections n’est pas établi ? En fait, cette option impliquerait très clairement de se glisser dans le moule d’un parti politique, de répéter à ATTAC les luttes d’influence et de pouvoir qui les minent. Par ailleurs, l’exemple des " Motivés " à Toulouse n’est pas forcément représentatif. Cette liste citoyenne s’est créée pour des élections municipales, dont les enjeux sont avant tout locaux. Ce qui n’est pas le cas pour des élections Régionales, où les candidats appliquent et prêchent des positions établies au niveau national par leurs directions. Une alliance ou un soutien d’ATTAC à un parti dans ce cadre impliquerait d’être d’accord en tous points avec le programme de ce parti, ce qui peut sembler illusoire. Enfin, n’oublions pas que la liste des " Motivés " n’a fait cause commune avec celle du PS qu’au deuxième tour, pour faire barrage au pôle libéral défendu par la droite, et, répétons-le, sur des thématiques locales. Ce n’était donc pas une association naturelle dès le premier tour.
LE FONCTIONNEMENT ASSOCIATIF, UNE FORCE POUR ATTAC
La stratégie d’ATTAC st séduisante dans le sens où l’association apporte des réponses et un contre-pouvoir internationaux à des questions qui dépassent elles aussi le cadre des frontières. On l’a vu lors du FSE, dans lequel ATTAC a joué un rôle moteur important, on le voit avec les sections ATTAC qui se créent un peu partout dans le monde. Des contraintes internationales fortes pèsent en effet aujourd’hui sur les politiques intérieures. Et il n’est pas évident que la prise de pouvoir au sein d’un seul parti, dans une seule nation, puisse être très productif… La stratégie d’une réponse internationale est celle qu’il faut privilégier.
Etre constitué en parti politique implique des contraintes internes très fortes, en particulier en ce qui concerne les luttes de pouvoir. Des contraintes que ne subit pas ATTAC actuellement.
Et puis, raisonnons un peu par l’absurde : lorsqu’on voit tous les journalistes, tous les observateurs ou les acteurs politiques demander à ATTAC de devenir un parti, lorsqu’on entend dans les médias les interviewers se faire toujours plus pressants, à la limite de l’énervement, en revenant sur cette question, on a envie de se dire qu’il ne faut surtout pas que l’association devienne un parti. ATTAC est une structure gênante pour tous ceux qui lui sont hostiles parce qu’elle n’offre que peu de prises. C’est une association protéiforme, difficile à saisir, qui ne se bat que sur le plan des idées, qu’on ne peut combattre sur un strict plan politicien. C’est l’un de ses forces, et cela en énerve beaucoup.
Les citoyens attachés à la politique semblent souffrir aujourd’hui d’un sentiment de manque de représentation. Or ce déficit de représentation peut être comblé par ATTAC, mais sans doute dans la mesure où l’association n’est pas un parti. Les comités locaux sont organisés et gérés de manière autonome, avec une liberté seulement délimitée par la plateforme commune de l’association. Personne au sein des instances nationales ne vient interdire de tracter sur un marché ou de tenir des réunions publiques. Une telle liberté est impossible dans un parti structuré comme tel, où les adhérents doivent rendre compte scrupuleusement de leurs actions à leur hiérarchie, en se pliant à un programme politique pré-établi. A ATTAC, grâce à l’organisation en comités locaux aussi indépendants que faire se peut, chacun amène et fait fructifier ce qu’il a en lui.
CR de Cyril Pocréaux