Crise et migrants sur fond d’hypocrisie générale

, par attac92

Caroline D. et Michèle E. nous ont fait parvenir ce texte sur leur rencontre avec les acteurs de l’association d’aide aux migrants SALAM de de Calais.

"Ce qui se passe là-bas est très grave et j’aurais voulu en rendre compte avec le texte ci-joint."





Née en 1975 – déjà la crise après les chocs pétroliers, licenciée économique fin 2013 – encore la crise, et en recherche active mais infructueuse d’emploi depuis – toujours la crise dit-on, je pensais pouvoir légitimement affirmer faire partie de cette génération X sacrifiée pour laquelle « la crise » est simplement synonyme de « la vie normale ». Pourtant, que mon sort est enviable !

« Et les autres » avait coutume de dire l’abbé Pierre. Les autres, on en parle peu. Les autres, ce sont par exemple ces sans-voix qui subissent la crise de plein fouet et s’entassent par centaines à Calais dans l’espoir de rejoindre l’Angleterre pour une vie meilleure.

Deux fois par an depuis 3 ans, en compagnie de Michèle, adhérente d’ATTAC 78, je me rends à Calais, la voiture pleine de vêtements, produits d’hygiène, chaussures et autres pour l’association SALAM qui s’occupe des migrants. Notons au passage qu’ils veulent traverser la Manche et que la France ne les fait plus rêver.

Nous savons combien leur situation est difficile, mais cette année, ce que nous avons appris nous a effarées ! Notre dernier voyage remonte au 22 juillet.

Nous avons, comme d’habitude, été très bien accueillies dans les locaux de l’association (laquelle est d’ailleurs menacée d’expulsion depuis le 1er juillet et considérée comme « squatteur » ; la région est censée l’aider à trouver un autre local, mais sans résultat à ce jour).

Seulement, cette année, nous n’avons pas été accueillies par des bénévoles, mais par 2 salariées. Des salariées ?! Oui, oui, payées par la région pour l’une et en contrat « emploi d’avenir » pour l’autre. Donc, des salariées payées par le contribuable… tout comme les forces de l’ordre qui n’ont de cesse d’harceler les migrants, de les interpeler, voire d’organiser des « opérations coups de poing ». La dernière en date, le 2 juillet, a consisté à emmener les migrants à Paris dans des bus préparés pour interpellation… et les relâcher pour la plupart le jour même ! Partis de Calais le matin, ils étaient de retour le soir. Coût estimé de l’opération : 120 000 euros ! Pour résumer, l’argent public sert à tout et son contraire : payer des salariés d’associations d’aide aux migrants et faire arrêter ces mêmes migrants.

Cette hypocrisie et ce gâchis m’auraient en eux-mêmes incitée à publier ces quelques lignes, mais ce n’est pas tout.

De mois en mois, la situation se dégrade. Lors de nos premiers voyages à Calais, on nous demandait d’apporter des vêtements et chaussures pour homme seulement. Ils étaient environ 300. Désormais, on décompte environ 1 200 migrants, dont des femmes et des enfants ! On estime qu’il y a environ 60 femmes alors qu’il n’y en avait pas, ou 1 ou 2 parfois, précédemment.

Cela s’explique par le fait qu’il y a encore un an, l’essentiel des migrants venait d’Afghanistan et de Syrie et seuls les hommes voyageaient. Il y a maintenant plus de migrants venant d’Afrique (Ethiopie, Erythrée, Centrafrique…) et ils voyagent avec femmes et enfants. Mais il y a aussi des bébés et des femmes enceintes car il n’est pas rare que les femmes se fassent violer pendant le voyage !

Récemment, une jeune fille de 14 ans est arrivée enceinte suite à un viol. Elle a dû être conduite à Dunkerque par l’association SALAM pour se faire avorter, aucun gynécologue de Calais n’ayant accepté de la prendre en charge.

Bref, la situation va de mal en pis.

La responsable que nous avons rencontrée en arrive à penser qu’il faut refermer les frontières et ne laisser passer que ceux qui risquent leur vie dans leur pays d’origine pour les accueillir dignement en France, plutôt que de recevoir le plus grand nombre et les voir vivre dans des conditions indignes : la plupart n’ont qu’un repas par jour et dorment sous des bâches dans la forêt environnantes. Les tentes ont été éventrées par les forces de police lors de l’opération du 2 juillet.

On sent un net découragement des bénévoles et des salariés. Je ne sais que penser, ni quelle serait la bonne solution. Mais je me sentais tenue de témoigner de la situation.

Merci aux adhérents d’ATTAC qui auront pris le temps de me lire.

P.-S.

L’association SALAM : http://www.associationsalam.org/-L-association-

Le 5 novembre 2002, le gouvernement français ordonne la fermeture du centre de la Croix Rouge qui accueillait à Sangatte les migrants présents dans le Calaisis.

La plupart d’entre eux se retrouvent jetés à la rue à l’aube de l’hiver. Des bénévoles se rassemblent alors pour organiser des distributions de nourriture et de vêtements et décident après quelque temps de se donner une existence juridique en fondant l’association SALAM.

Depuis, les migrants n’ont cessé d’affluer, mais stationnent sur tout notre littoral. C’est pourquoi SALAM a également des pôles à Dunkerque et Grande Synthe.

Aujourd’hui SALAM est une association forte de plus de 300 adhérents dont les ressources proviennent des cotisations, de dons et de subventions.