La mondialisation armée ; le déséquilibre de la terreur. La mondialisation armée ; le déséquilibre de la terreur, par Claude SERFATI, économiste.

, par attac92

LA MONDIALISATION ARMEE
Le déséquilibre de la terreur
de Claude SERFATI (La Discorde – février 2001)
Economiste, maître de conférence et chercheur à l’université de Versailles

Synthèse réalisée par Jean Pierre Herveleu.

QUELQUES CHIFFRES …

Le déficit de la balance commerciale (différence entre les exportations et les importations de biens et de services) aux U.S.A. est de 300 milliards de dollars, soit une dette totale de 15 000 milliards de dollars sur les 40 000 milliards pour l’ensemble de la planète : c’est de loin le pays le plus endetté de la Terre !

L’IDEOLOGIE DOMINANTE AUX U.S.A.

Les économistes américains développent la doctrine : « économie de marché = démocratie »
c’est-à-dire qu’« une démocratie basée sur le développement du marché libéral est porteuse de paix, le capitalisme étant intrinsèquement pacifique ».

Un constat (qui vaut ce qu’il vaut) : « il n’existe pas deux pays qui ont des Mac Donald et qui sont en guerre ».

Une morale (qui pourrait en découler ?) : « la balance des forces entre le bien-être et le bellicisme penche donc définitivement du coté du premier », grâce à l’économie libérale.

Une conséquence : les pays qui refusent ces « bienfaits » sont bellicistes, d’où la création d’une liste de « pays voyous » (voir plus loin).

UN COMPORTEMENT IMPERIALISTE

Les U.S.A. se dispensent de payer leur quote-part à l’organisation de l’O.N.U.

Les U.S.A. se dispensent du mandat de l’O.N.U. pour :
  bombarder l’Afghanistan et le Soudan en août 98 : dans ce dernier pays, il s’agissait de viser une fabrique d’armes chimiques qui soit-disant fabriquait des médicaments…finalement, c’était une erreur, que les américains reconnaissent en octobre 99, dans l’indifférence générale de l’opinion internationale !
  bombarder l’Irak en décembre 98,
  agresser la Serbie en 1999 sous couvert de l’OTAN, au nom d’un « nouvel humanisme militaire », sans l’accord du Conseil de Sécurité de l’O.N.U.

Les U.S.A. se dispensent également de :
  signer la convention de 1997 interdisant l’usage de mines anti-personnel,
  signer le traité d’interdiction totale des essais nucléaires, en décembre 99,
  limiter leur programme de défense antimissile, en violation de l’accord sur les missiles antibalistiques,
  de se soumettre aux impératifs écologiques du protocole de Kyoto.

LE PROGRAMME IMPERIALISTE

Un rapport gouvernemental américain de juin 2000 stipule que, « parce qu’elle est la plus grande économie dans le monde et parce qu’ils en sont les principaux bénéficiaires, la défense de la globalisation doit figurer parmi les intérêts vitaux des Etats-Unis, pour la défense desquels les armées américaines doivent prioritairement intervenir : ressources, énergie, capital, technologies, données et connaissances, à commencer par les démocraties de l’Atlantique-Nord » (sic !).
Conséquence : la sécurité d’une nation signifiait l’inviolabilité de son territoire, elle signifie désormais la viabilité et le bon fonctionnement de ses systèmes globaux ; dans le cas contraire, les U.S.A. peuvent se donner le droit d’intervenir.

La Commission sur les Intérêts Nationaux souligne la nécessité d’une influence croissante sur le Brésil, le Chili, le Venezuela, les Caraïbes, mais plus encore la Colombie, et surtout le Mexique qui doit « devenir une composante de l’espace stratégique américain, au même titre que le Canada »(sic !).
C’est ainsi que le Brésil a été contraint en 1998 de réduire de 66% son budget consacré à l’environnement, et les fonds destinés à la forêt amazonienne sont passés de 61 millions à 6,4 millions de dollars (source : « Le procès de la mondialisation », chez Fayard).

LA LOGIQUE DE GUERRE DES U.S.A.

L’objectif stratégique vis-à-vis des forces alliées est « l’interdépendance entre les Etats-Unis et les forces alliées, définie par la manière dont ces alliés pourront se « brancher » sur une architecture globalement américaine » (Sommet de l’OTAN de mars 99)… donc un risque de marginalisation des grands groupes industriels européens s’ils ne « jouent pas le jeu ».

La militarisation de l’espace se concrétise par le financement public de la Recherche et Développement de l’industrie spatiale (chiffres 1997) :
  U.S.A. : 20,4 milliards de dollars,
  Union Européenne : 4,5 milliards de dollars.
un des objectifs prioritaires de la stratégie américaine étant la suprématie militaire dans l’espace.

Le système de défense antimissile (NMD) doit protéger les U.S.A. des « états voyous » suivants : Irak, Iran, Corée du Nord, Colombie, Libye, avec en arrière plan la Chine et la Russie. Concernant cette dernière, la Pologne est d’une importance cruciale en raison de sa situation stratégique par rapport à l’Ukraine et à la Russie.
Application : achat de plus de 100 avions de combat F16 par la Pologne, avec toutes les incertitudes quant au paiement effectif. Mais, pour les U.S.A., « c’est essentiellement un moyen de renforcer notre influence » (novembre 2000).
Conséquence : ce sont les contribuables américains qui vont payer plus de la moitié des armes vendues !
Selon Alain Lecourieux (Attac), c’est 49 « états voyous » dont les Etats-Unis auraient préparé la liste (en premier la Colombie, tout dernièrement le Venezuela), soit 1,8 milliards de personnes menacées.

La logique de guerre est surtout confirmée par l’évolution du budget militaire :
  l’administration Clinton a décidé d’augmenter de 112 milliards de dollars les dépenses d’équipement militaire entre 1999 et 2003,
  l’administration Bush a pour objectif d’augmenter le budget militaire de 325 milliards de dollars d’ici à 2005,
  Les Etats-Unis comptent produire plus de 3000 avions pour renforcer l’équipement de l’U.S. Air Force, de l’U.S. Navy et des Marines.

Comparativement aux autres pays :
  les dépenses militaires américaines représentent 36% des dépenses mondiales, contre 3% pour la Russie,
  Le budget consacré à la production d’armes en 1997 a été 5 fois plus important aux U.S.A. qu’en Grande-Bretagne ou en France,
  Le budget consacré en 1998 à la Recherche et Développement militaire a été 10 fois plus important aux U.S.A. qu’en Grande-Bretagne ou en France,
  L’administration Bush a décidé une augmentation du budget militaire des U.S.A. de 15%, soit l’équivalent de l’ensemble du budget militaire du Japon (source Gilbert Aschar, Le Monde Diplomatique),
  Le simple budget militaire actuel des U.S.A. est équivalent au produit intérieur brut de la Russie (source Gilbert Aschar, Le Monde Diplomatique).

Enfin, le coût de l’agression des Etats-Unis en Afghanistan se monte à 1 milliard de dollars par mois : pour mémoire, 12 milliards de dollars par an suffiraient à éradiquer les grandes épidémies sur l’ensemble de la planète (source Alain Lecourieux, Attac).

PENDANT CE TEMPS-LA SUR LA TERRE …

Le rapport des revenus entre les 20% les plus riches et les 20% les plus pauvres est passé de 30 pour 1 en 1970 à 80 pour 1 en 2000…

407 familles ont une richesse en dollars équivalente au revenu cumulé de 3 milliards d’individus…

2 milliards d’individus sont privés d’eau courante…

30% des habitants de la planète n’ont pas d’électricité chez eux…

Un prélèvement de 4% sur les 200 plus grosses fortunes du monde permettraient de couvrir l’accès aux besoins fondamentaux de tous les hommes de la planète… (source officielle PNUD).

Le revenu par habitant en Afrique est retombé au niveau du début des années 60…

En 2000, 800 millions de personnes souffrent de la faim.
Pour éradiquer cela, les organisations officielles internationales estiment que 80 milliards de dollars par an suffiraient :
les Etats-Unis consacrent 720 milliards de dollars par an à leurs dépenses militaires…