Proposition de résolution sur la mondialisation pour l’Assemblée Générale d’Attac des 3 et 4 novembre 2001 à Tours
Dans certains champs, dépasser l’analyse critique et la résistance, et contribuer, avec les partis, syndicats et associations, à verser au débat démocratique des esquisses, des pistes, des grandes orientations ou des propositions, de court, moyen et long termes, pour " cet autre monde possible ".
Développer, pour ce faire, au sein d’Attac, les conditions (règles, moyens et pratiques) qui assurent l’équilibre entre l’opportunité politique, l’efficacité et le débat démocratique.
Le document ci-dessous est une contribution à cette proposition de résolution. Cette résolution s’inscrit, notamment mais pas exclusivement, dans le cadre du Grand événement d’Attac du 19 janvier 2002 et de Porto Alegre II.
Pour une nouvelle " Grande Transformation " contre l’absolutisme du marché : enjeux, objectifs, pistes et propositions - Le 27 juillet 2001
Ce document résulte d’un travail dont le point de départ est l’OMC et l’AGCS. Par nécessité, les services représentant, par exemple en France, 63% du PIB, il va au-delà de ce champ et traite de la mondialisation actuelle.
Son objectif est de dépasser l’analyse critique et la résistance, et de contribuer, avec beaucoup d’autres, à mettre au débat démocratique des pistes et des propositions, de court, moyen et long termes.
Ce document s’articule schématiquement autour des trois dimensions suivantes :
– une dimension logique économique et sociale : les logiques du marché pur (accumulation du capital), du marché régulé, du marché fortement régulé et enfin la logique de la satisfaction de l’intérêt général,
– une dimension d’articulation entre les pouvoirs : les pouvoirs politique, juridique, économique et social (et l’arrière plan : concepts, instruments, rapport de forces, propositions),
– une dimension géographique : du local au mondial ; l’accent est mis, pour simplifier, sur les dimensions suivantes : l’Etat-nation, la région (la région est définie, ici, comme un ensemble d’Etats-nations) et le monde (monde entier ou large ensemble d’Etats – exemple : les cent quarante et un Etats membres de l’OMC).
Bien qu’essentielle, la déclinaison sectorielle (grandes catégories de biens et services) est abordée, mais pas réellement traitée ici : appareil de l’Etat, santé et protection sociale, éducation, agriculture, culture, énergie, environnement, finance, transports, services professionnels, etc.
Ce document de six pages tire notamment parti de pratiques et de publications, et tient compte des commentaires, critiques et suggestions de nombreux militants. Il s’agit d’une introduction, d’une esquisse qui appelle un débat et un approfondissement déjà largement entamés. Attac peut et doit y tenir sa place, avec les partis politiques, syndicats et associations qui poursuivent des buts voisins. Vos commentaires, critiques et suggestions sont les bienvenus.
Alain Lecourieux Attac92 01 47 81 81 67 ou alain.lecourieux@wanadoo.fr - Il s’agit ici de la version du 27 juillet 2001.
I. - Le monde n’est-il qu’une marchandise ? Misère immense et prospérité sans précédent sont-elles l’alpha et l’oméga de ce monde-marchandise ?
I.1 Objectifs :
– rompre la logique d’extension, sans limites, du marché : extensions géographiques et sectorielles, marchandisation d’activités et d’expériences auparavant situées hors du marché (le consommateur est considéré comme une source d’investissement entre sa conception, sa mort et au-delà ; " nouvel esprit du capitalisme " : l’abonnement aux réseaux renforce le pouvoir des propriétaires et exclut les non connectés
– substituer à la logique du marché pur (accumulation du capital) trois logiques correspondant à trois catégories de biens et de services :
a. la satisfaction de l’intérêt général (cette logique est fondamentalement différente de celle du marché ; cf. : dans la colonne " Pistes et propositions ", ce qui concerne les nouveaux indicateurs)
b. le marché fortement régulé (la régulation inclut la soumission aux droits fondamentaux – nationaux, régionaux ou internationaux – cf. II, ainsi qu’une régulation spécifique qui tient compte de la nature des biens et services)
c. le marché régulé : la régulation traduit ici la subordination du droit des affaires à des droits fondamentaux – nationaux, régionaux ou internationaux, ainsi que les régulations qui résultent du mouvement social (cf. II)
I.2 Pistes et propositions :
– distinguer, par exemple, trois catégories de biens et de services :
— les biens et services d’intérêt général qui s’adressent aux citoyens (qui incluent les biens communs ou publics de l’humanité) (besoins fondamentaux)
— les biens et services stratégiques qui s’adressent à la fois aux consommateurs et aux citoyens (besoins intermédiaires ayant une utilité sociale affirmée)
— les biens et services qui s’adressent aux consommateurs stricto sensu et aux entreprises (désirs individuels)
– développer et mettre en place, pour la logique a et la catégorie 1, de nouveaux indicateurs mesurant l’intérêt général et se substituant à l’accumulation du capital, disqualifiée pour les biens et services " a-1 "
– faire résulter cette catégorisation d’un choix démocratique : les frontières entre catégories sont donc variables dans l’espace et le temps ; il s’agit ici de faire prévaloir les préférences collectives
– abroger, renégocier, négocier les traités internationaux à partir des trois logiques et catégories (a-1, b-2, c-3)
I.3 Observations :
– par exemple, " a-1 " : justice, prisons, armée, police, finances de l’Etat, culture, santé, médicaments de base, agriculture, protection sociale et retraites, éducation, logement social, recherche publique, eau, air, déchets, " vivant ", etc.
– par exemple, " b-2 " : infrastructures de long terme, biens et services stratégiques (transports en commun, énergie, finance, etc.)
– l’AGCS doit être abrogé et renégocié sur un champ limité de services (c-3, voire b-2) ; d’autres traités doivent être abrogés, renégociés ou négociés
– le concept d’échange équitable est central, pour éviter le dumping éthique, sanitaire, social, fiscal, environnemental, monétaire, etc., mais c’est, comme la démocratie, une utopie hautement désirable
– la régulation indispensable du marché trouve rapidement ses limites dans la profusion bureaucratique des textes et des contrôles, et les capacités de contournement du capitalisme ; d’où la nécessité d’inscrire les biens et services a-1 dans une logique en rupture avec le marché
– biens communs et publics de l’humanité ; par exemple : eau, savoirs et découvertes, information, etc.
II - La finance mondialisée doit-elle continuer à imposer sa dictature ?
II.1 Objectifs
– rompre avec la financiarisation de la société, de la politique, de l’économie, du " social ", etc.
– proposer une régulation forte de la finance en la ramenant à son rôle légitime dans l’économie réelle
– décriminaliser les marchés, réduire l’instabilité et la spéculation, et faire financer la " maintenance " du système financier mondial par ceux qui le menacent ou le sapent (spéculation résiduelle, etc.)
II.2 Pistes et propositions
– il s’agit là de propositions qui, au total, dessinent une nouvelle architecture financière, au service de l’homme, dans les différentes zones géographiques pertinentes (cf. les propositions d’Attac, d’autres organisations et de contre-experts)
II.3 Observations
– la financiarisation a des conséquences multiples néfastes sur la politique des gouvernements : taux d’intérêt, emprunts, actions, obligations, taux de change, coût du crédit et de l’endettement de l’Etat, des entreprises et des particuliers, politiques fiscale et budgétaire, fraude, blanchiment … et politique sociale
– voir propositions du Conseil scientifique d’Attac sur les Institutions financières internationales (IFI) d’août 2001
III - Le droit des affaires doit-il régner en maître sur les autres droits ?
III.1 - Objectifs
– subordonner le droit des affaires aux droits fondamentaux (droits de l’homme, droits des femmes et des enfants (premières victimes de la mondialisation), droits éthiques, droits à la sécurité, droits à la santé, droits sociaux et environnementaux et principe de précaution) ; il s’agit de mettre en place, au plan juridique, une hiérarchie entre les valeurs et les moyens de la faire respecter (domaine de la loi) ; cette hiérarchie de valeurs doit être intégrée dans les traités internationaux (domaine du contrat)
– à partir de cette subordination, refonder les institutions internationales, pour certaines héritées des accords de Bretton Woods de 1944, et en assurer la légitimité politique et le fonctionnement démocratique ; cela revient à construire le cadre institutionnel de " l’autre monde ", celui de demain, sur deux piliers : la démocratie représentative et la démocratie participative, en assurant le pouvoir légitime des pays du Sud (pas un " conseil de régence, à la G8 "
III.2 – Pistes et propositions
– créer, consolider, hiérarchiser les droits fondamentaux au plan international (pouvoir législatif intergouvernemental)
– créer un ensemble d’institutions internationales (nouvelle architecture) qui soutiennent les valeurs et les droits nouveaux, dans leur champ de compétences
– créer un conseil international des droits fondamentaux arbitrant entre l’homme et le capital (pouvoir judiciaire)
– séparer, dans les organisations internationales, les pouvoirs exécutifs, législatifs, judiciaires
– démocratiser (et arrêter la privatisation des) les organisations internationales (y compris l’ONU)
– développer et mettre en oeuvre, pour les grandes infrastructures internationales et les biens communs et publics de l’humanité, des propositions de régulation internationale (cf. I, " b-2 " et II, ci-dessus – finance mondialisée)
III.3 – Observations
– exiger l’application concrète du " droit mort " : Déclaration universelle des droits de l’homme (1948), Pacte international des droits civils et politiques (1966), Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels (1966)
– développer un droit international et une Organisation mondiale de l’environnement (OME) qui rend ce droit effectif
– faire de même pour les droits sociaux dans le cadre d’une Organisation internationale du travail (OIT) refondée
– idem pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS)
– d’autres domaines sont concernés comme la propriété intellectuelle, le droit de la concurrence, etc.
– les grandes infrastructures internationales sont définies, ici, comme celles dont les effets sont déterminants pour l’humanité
IV - Les entreprises globales (EG) ont-elles supplanté à jamais les peuples et leurs représentants ? Sont-elles, pour toujours les maîtres du monde ?
IV.1 – Objectifs
– empêcher la constitution de cartels, d’oligopoles et de monopoles privés
– lutter, dans les entreprises globales (EG) et les autres, pour abolir la dictature des actionnaires
IV.2 – Pistes et propositions
– lois antitrust et droit de la concurrence
– régulation du " monopoly capitaliste " : fusions, acquisitions, niches fiscales, prix de transfert, etc. (Université d’Attac 2000)
– droits nouveaux des salariés et des syndicats dans les EG et les autres entreprises, y compris
les sous-traitants des EG
– régulations sectorielles
IV.3 – Observations
– ici, comme souvent, le rôle du mouvement social est déterminant (contre-expertises, droit de veto, etc.)
– la régulation a ses limites (cf. I : remarque sur les limites de la régulation)
– les obligations des EG et autres entreprises vis-à-vis des territoires font partie du champ des régulations indispensables
V - Le pillage et la colonisation du Sud par le Nord sont-ils inéluctables ?
V.1 – Objectifs
– permettre et favoriser le type de développement choisi par les peuples, indépendant du " modèle occidental " et échappant à la corruption du Nord et du Sud (cf. les deux plans récents de développement, proposés pour l’Afrique, par l’Afrique du Sud et le Sénégal)
– promouvoir et mettre en œuvre les coopérations et solidarités entre le Nord et le Sud qui assurent une répartition équitable des richesses
V.2 – Pistes et propositions
– annuler la dette des pays pauvres immédiatement, complètement et inconditionnellement
– favoriser l’" autonomisation " de régions tournées vers la satisfaction de leurs propres besoins
– favoriser la mise en place de protections dans les secteurs choisis par les pays du Sud
– promouvoir les clauses sociales et environnementales, en commençant, pour ce qui est du Sud, par les EG qui y sont implantées, puis plus largement, dans le cadre de négociations bilatérales ou plurilatérales
V.3 – Observations
– MERCOSUR, UEMOA, etc.
– substituer le principe d’autosuffisance au développement du Sud par l’exportation (en échec, par les chocs exogènes qu’il entraîne)
– conserver ou mettre en place les protections dans l’agriculture et les infrastructures stratégiques notamment
– promouvoir la coopération (versus la concurrence) et le transfert des technologies demandées par le Sud
– s’appuyer sur le mouvement social du Sud dans la mise en œuvre des clauses sociales et environnementales
VI - Quelles sont, pour chaque grande question, les zones géographiques pertinentes de l’action politique et de la négociation ?
Le multilatéralisme est-il la forme indépassable de l’action politique internationale ?
VI.1- Objectifs
– rompre avec le multilatéralisme qui expulse les dimensions politiques, historiques, culturelles et l’intérêt général au profit d’un marché " naturel " et abstrait
– rompre avec le mutilatéralisme qui organise la domination des Etats forts sur les Etats faibles : " renards libres et poules libres "
– déterminer les zones géographiques pertinentes de l’action politique à partir de trois principes, subsidiarité, démocratie et communauté : le pouvoir est exercé au niveau, le plus proche des citoyens, qui assure son efficacité ; il offre les plus grandes garanties démocratiques ; les bénéfices sont réservés aux Etats qui acceptent toutes les contraintes
VI.2 – Pistes et propositions
– aux antipodes de la " narration " d’un village planétaire, montrer l’inhumanité d’une mondialisation néo-libérale achevée, y substituer la diversité et les promesses d’une coopération internationale fondée sur des valeurs humanistes et sociales
– réhabiliter le " régionalisme ", comme l’un des substituts au multilatéralisme, et aider à la constitution de nouvelles régions
– rapprocher, par les instruments macro-économiques et sociaux, les aires de production, d’échanges et d’exercice de la politique
VI.3 – Observations
– c’est une évidence que tous les niveaux géographiques, du local au mondial, sont concernés
– le multilatéralisme : dans l’OMC, par exemple, accord entre cent quarante Etats membres, sur la base du consensus ; en fait, les Etats-Unis, le Japon, l’UE et le Canada y ont un rôle dominant
– combattre le caractère absolu et " naturel " de l’avantage comparatif (spécialisation dans ce qu’on peut produire le mieux, mais les coûts et les profits sociaux ne sont pas comptés) et la hiérarchisation des Etats
– combattre la division internationale du travail
VII - Voulons-nous encore la démocratie ?
VII.1 – Objectifs
– rétablir le primat de la politique et faire prévaloir les valeurs et les choix démocratiques des peuples
– assurer une démocratisation radicale de l’ensemble du processus international en y renforçant la démocratie représentative et en y introduisant la démocratie participative
VII.2 – Pistes et propositions
– permettre des exclusions et des protections effectives, pour prendre en compte les préférences nationales et les rapports de domination
– reconnaître le concept d’intérêt général et de service public
– démocratiser les organisations internationales
– créer des contrepouvoirs et favoriser des contre-expertises
– mettre les questions fondamentales dans le débat démocratique, tout au long des processus : du choix au contrôle
VII.3 - Observations
– vouloir traiter à un niveau géographique supérieur (plus large que nécessaire), donc souvent non démocratique, une question qui peut l’être à un niveau inférieur est une stratégie fréquente et bien peu innocente du capitalisme (Cf. ci-dessus, les remarques sur le multilatéralisme)
– vouloir le faire à un niveau géographique inférieur à ce qui est nécessaire condamne à l’impuissance par manque d’informations et d’instruments, et par l’atomisation des forces
VIII - Quelle Europe voulons-nous ? L’"Europe Incorporated", l’Europe SA ou l’Europe démocratique de la transformation sociale ?
VIII.1 - Objectifs
– mettre en oeuvre une Union européenne (UE) sociale, environnementale et solidaire
– tenir compte des préférences nationales dans un équilibre entre communauté et diversité européenne
– mettre en œuvre une UE coopérative, notamment avec les pays du Sud
VIII.2 – Pistes et propositions
– refuser le débat entre " plus " ou " moins " de l’Europe actuelle, libérale et antidémocratique, et s’accorder sur un projet alternatif de la transformation sociale, du développement durable et des autres droits (répondre à la question : quelle Europe voulons-nous ?) ; en faire une condition de la poursuite de la construction européenne
– développer la citoyenneté européenne, notamment avec le mouvement social, autour du débat démocratique entre le projet actuel du tout-marché, et le ou les projets alternatifs
– renégocier les traités pour y introduire explicitement et clairement l’intérêt général et le service public au niveau national et européen
– appliquer les principes de subsidiarité, de démocratie et de communauté, comme moyens pour déterminer les compétences de l’UE et pour assurer la cohérence des politiques communautaires (cf. II – multilatéralisme)
– refuser l’élargissement qui conduit au libre-échange et y substituer des coopérations bilatérales et plurilatérales
– proposer des réformes institutionnelles comme moyen de réaliser l’Europe que nous voulons et de développer un espace réellement démocratique ; par exemple, la Banque centrale européenne (BCE) n’a en face d’elle ni un Parlement, ni un gouvernement pour lui faire contrepoids ; sa mission exclusive (stabilité des prix) la conduit à des arbitrages contraires à l’intérêt général ; elle décide, en fait, de la politique de change
– redéfinir et mettre en œuvre une " préférence commerciale UE-Sud "
– développer une politique de coopération et de solidarité avec les pays du Sud
VIII.2 – Observations
– le marché et la concurrence sont de façon quasi-exclusive au cœur des traités de l’UE ; le service public n’y est pas reconnu
– la pratique intergouvernementale de l’UE n’est pas démocratique (absence de choix alternatifs, secret des négociations, défausse ultérieure des gouvernants sur la Commission, etc.)
– la dimension européenne est une dimension pertinente pour de nombreux champs ; l’UE est autocentrée économiquement (plus de 70% du commerce international des Quinze se fait dans l’UE)
– pour certains services publics (Cf. V) et des fonctions de l’appareil d’Etat, la dimension nationale n’est plus pertinente
– la logique et la pratique de l’UE sont celles du marché : libéralisation, privatisation et dérégulation (télécommunications et communications, gaz, électricité, poste, environnement, formation des adultes, services professionnels, sports, etc.)
– cette Europe-là a inspiré l’OMC et l’AGCS, les a précédés et est, à maints égards, plus " efficace " et plus puissante que l’OMC et l’AGCS, dans la marchandisation de l’UE et de sa zone d’influence
– dans le cadre des négociations relatives à l’AGCS, l’UE propose à la libéralisation, privatisation et dérégulation les secteurs de service déjà libéralisés, privatisés et dérégulés dans l’UE (cf. secrétariat d’Etat au commerce)
– l’UE négocie, au nom des Quinze, à l’OMC, dans le cadre d’un mandat accordé au terme d’un processus antidémocratique (cf. le débat à l’Assemblée nationale sur le mandat du Commissaire européen au commerce, Pascal Lamy, pour Seattle en 1999
IX - Le service public, pour quoi faire : capitalisme d’Etat, voiture-balai sociale ou satisfaction de l’intérêt général dans le cadre de la transformation et l’appropriation sociales ?
IX.1 – Objectifs
– garantir, développer et rénover le service public comme moyen de :
— satisfaire l’intérêt général, véritable construction démocratique,
— limiter l’emprise du marché,
— assurer une partie de la redistribution des richesses,
— donner des moyens concrets de l’exercice des droits (égalité d’accès, prix, etc.)
— . mettre en œuvre la transformation sociale en leur sein
– trouver les formes appropriées de mise en oeuvre : propriété publique, économie sociale, mutuelles, mouvement associatif, délégations fortement encadrées
IX.2 – Pistes et propositions
– arrêter la libéralisation, privatisation et dérégulation
– faire un bilan social et économique et engager un débat démocratique sur les entreprises récemment privatisées et les services publics actuels
– tirer les enseignements de ce bilan, notamment sur le champ souhaitable du service public, les objectifs, les formes de mise en œuvre, la mesure de l’efficacité, la nature des garanties et des rénovations
– mettre en œuvre les réformes nécessaires (cf. observations ci-contre), et en particulier l’appropriation et la transformation sociales, ainsi que la démocratie participative (évaluation démocratique).
– garantir les sources de financement des opérations et des investissements
– promouvoir la coopération régionale et internationale
IX.3 - Observations
– par convention, distinguons l’identité (ou la mission) du service public (au centre d’un triangle) et les trois fonctions d’orientation (ou objectifs), d’opération et de régulation, aux trois sommets du triangle
– les pouvoirs publics ont un rôle essentiel dans l’identité et l’orientation
– les salariés et les syndicats " font " le service public et ont donc un rôle déterminant dans les quatre domaines ; au-delà de la dimension revendicative, ils défendent également, dans bien des cas, l’intérêt général ; ils peuvent aussi être en conflit avec lui
– les citoyens (et non les utilisateurs du service public), aujourd’hui absents, doivent, sur les quatre points, représenter l’intérêt général : c’est la démocratie participative (ou l’" évaluation démocratique ")
– ce trépied (pouvoirs publics, salariés-syndicats et citoyens) devrait diriger le service public (et pas seulement les entreprises publiques) ; le troisième pied, citoyen, introduit la démocratie participative dans le service public
X. Autres logiques à l’œuvre
D’autres logiques, qui visent notamment à la libéralisation, privatisation et dérégulation des biens et services (ou ont ce résultat indirectement), ne sont pas évoquées dans ce document.
Pour terminer, il convient de citer certaines d’entre elles :
l’appauvrissement de l’administration et du service public par les restrictions budgétaires qui résultent notamment d’une baisse importante de l’impôt et de sa progressivité ;
le zèle des gouvernements européens qui vont au-delà des " prescriptions " internationales ou de celles de l’UE dans les libéralisations, privatisations et dérégulations ;
la socialisation des pertes des agents économiques privés selon le théorème : " too big to fail ! " (trop grand pour échouer), et la privatisation des bénéfices à partir d’aides publiques directes ou indirectes ;
les techniques managériales de l’entreprise présentées comme lois de nature : " downsizing " (contraction), " back to the core business " (recentrage sur le métier de base), reengineering " (réévaluation des chaînes de valeur de l’entreprise - activités regroupées en processus), " corporate governance " (mesures institutionnelles visant à réduire l’asymétrie d’informations entre actionnaires et dirigeants des entreprises) ; leur but est d’augmenter la valeur de l’action, en faisant peser la charge et les souffrances sur les salariés ; c’est la victoire du modèle anglo-saxon ;
l’introduction de la technologie et de la techno-science, sans concertation, qui s’accompagne souvent d’une subversion des métiers par les contenus d’information (exemple : didacticiels d’enseignement) ;
l’étatisme, la bureaucratie, la technocratie, le corporatisme qui nient, dans certains cas, l’intérêt général et condamnent le service public.
Ce document appelle un développement plus approfondi sur la place de l’Etat-nation et de l’UE, les instruments et marges de manœuvre dont ils disposent face à la mondialisation néo-libérale, la citoyenneté européenne, la République (et la tension permanente entre liberté, égalité et fraternité), sur l’" introuvable " gouvernement mondial, etc.