L’OMC au service du néo-libéralisme

, par Alain Lecourieux

LE GATT, PUIS L’OMC ONT ACCELERE LA MONDIALISATION LIBERALE

 Les accords résultant des différents rounds obéissent à une logique implacable de déréglementation ou de déréglementation différée ; la seule réglementation d’importance introduite par les accords passés concerne la propriété intellectuelle.
 Le champ couvert par la déréglementation couvre l’ensemble des activités humaines ; l’accord de Marrakech a fait cesser, par exemple, les exceptions de l’agriculture et des services.
 Les dimensions non financières du commerce ne sont pas reconnues.
 Les normes sociales (les US n’ont signé qu’une des douze conventions de l’OIT, l’affaire des bananes Caraïbes) ; les normes environnementales (les US achètent des droits à polluer, les espèces en danger ne sont pas protégées, les déchets sont considérés comme des marchandises, l’accord de Rio est nié) ; les normes éthiques (brevetage du vivant) ; les normes de santé (boeuf aux hormones, pas de principe de précaution, pression pour accepter les OGM, marchandisation des médicaments) ; la diversité culturelle (les nouveaux supports (Internet , etc.) vont être l’occasion de tourner la pseudo exception culturelle) ; la dimension stratégique d’un secteur n’est pas plus acceptée (eau, énergie, transport, éducation, etc.).
 Le GATT et l’OMC défendent les intérêts des entreprises et spécialement ceux des multinationales qui font l’essentiel du commerce mondial ; ces entreprises sont les nouveaux maîtres du monde (le chiffre d’affaires des 200 premières entreprises mondiales dépassent le PIB des 150 Etats non membres de l’OCDE). A un moment où les salaires sont considérés comme un coût et où se généralise la division internationale du travail, l’OMC donnent des droits nouveaux aux entreprises et ne veut pas parler de leurs devoirs.

==> La pensée unique est questionnée : l’économie n’est pas une fin en soi ; il convient d’associer efficacité et justice.

LE GATT ET L’OMC ONT ACCENTUE LES INEGALITES DANS LES PAYS DEVELLOPES ET ENTRE LES PAYS DEVELOPPES ET LES PAYS EN VOIE DE DEVELOPPEMENT

 Dans les pays développés des secteurs entiers ont été détruits par la concurrence généralisée ; les normes sociales (flexibilité) et les salaires sont tirés vers le bas ; l’Europe a 50 millions de pauvres ; la moitié de la population des US est constituée de working poors ou d’exclus.

 L’écart entre les pays en voie de développement et les pays développés s’agrandit : les 20% les plus favorisés ont un revenu 80 fois supérieur à celui des 20% les moins favorisés (l’écart a doublé en vingt ans). Le PIB de l’Afrique est passé de 12 à 6% du PIB mondial entre 1981 et 1996. Les 49 pays les moins avancés (PMA) représentent moins de 0,25% du commerce mondial. Les investissements se concentrent dans les pays développés et dans ceux qui ont décollé. Le SIDA se répand dramatiquement en Afrique. Les grands groupes pharmaceutiques ne font pratiquement aucune recherche sur les maladies tropicales. 40% de la population active de l’Afrique est constitué d’enfants de moins de 14 ans.

==> Le dogme du libre-échange est questionné : est-il cause ou conséquence du progrès ? n’est-ce pas le combat du renard libre avec la poule libre ?

L’OMC N’A PAS UN FONCTIONNEMENT INTERNE ET EXTERNE SATISFAISANT

 Les pays en voie de développement n’y participent pas réellement : rapports de domination, absence de formation, coûts des arbitrages)
 L’Organe de Règlement des Différends (ORD) de l’OMC n’est pas transparent ; il est coûteux ; il pénalise des secteurs étrangers à la chose jugée ; le pouvoir judiciaire n’est pas séparé du pouvoir législatif.
 L’unilatéralisme des US est accepté de facto (4 fois plus de subventions à Boeing qu’à Airbus, section 301 et Amato, 15 Etats américains exonérés de l’accord sur les marchés publics, etc.).
 L’OMC est toujours en retard d’une guerre : commerce électronique, droit de la concurrence (lutte contre les monopoles et oligopoles).
 La plupart des autres organisations internationales sont impotentes ; seule l’OMC a un bras armé avec l’ORD.

L’OMC N’EST PAS CONTROLEE DEMOCRATIQUEMENT

 Le parlement ne joue aucun rôle (cas des 13 des 15 pays de l’UE) ou n’a qu’un rôle formel (France et Danemark) (le Parlement, ratificateur muet de textes intouchables), alors que le Congrès américain joue un rôle-clé. Il n’y a pas d’office parlementaire permanent (donc un lieu où il y a la compétence) sur le commerce international.
 La société civile n’est pas consultée.

QUE FAIRE ?

 Faire un bilan des accords de Marrakech (sont-ils appliqués ? quelles conséquences a le libre-échange ?)
 Refonder le système d’organisations internationales et subordonner le droit du commerce aux accords et chartes internationales (normes sociales, environnement, santé, etc.)
 Lancer un véritable plan de développement des pays les moins avancés (agriculture, santé, éducation, infrastructure)
 Réguler le système financier (spéculation, bandes de flottement pour les monnaies principales, règles prudentielles)
 Renforcer le rôle du politique (droits et devoirs des entreprises) et associer la société civile à l’élaboration des décisions (syndicats, ONG, etc.).

Alain Lecourieux