Réponse à l’exposé des motifs joint à la "constitution"

, par attac92

REFERENDUM SUR LA CONSTITUTION EUROPEENNE

Attention, danger !

Les vrais motifs du Traité sont cachés

Vous avez reçu un exemplaire du Traité établissant une Constitution pour l’Europe, accompagné d’un « exposé des motifs ». Alors qu’une Constitution devrait être un texte court, sans parti pris, et accessible à tous les citoyens, ce texte est quasiment illisible. L’exposé des motifs sera donc pris pour le fond du texte. Rédigé par le gouvernement, cet exposé est-il honnête, ou bien est-il un instrument de propagande mensonger et anti-démocratique ? A vous de juger.

Page 4 : L’Europe projetée sera-t-elle « une union toujours plus étroite, pour rendre la guerre à jamais impossible sur notre continent » ?
Les conflits meurtriers d’antan semblent heureusement moins probables, bien qu’il ne faille pas oublier la récente guerre fratricide dans l’ex-Yougoslavie. Le principal risque est aujourd’hui ailleurs : c’est celui de guerres sociales larvées ou ouvertes si, d’une part, l’enrichissement toujours plus grand des riches se nourrit de l’appauvrissement des pauvres ; et si, d’autre part, la concurrence entre les peuples est exacerbée par le délabrement social qu’entraînera la poursuite des politiques libérales sacralisées par le Traité.

Page 5 : L’Europe projetée répondra-t-elle « à de nouvelles attentes », notamment « plus de croissance » et de « protection de l’environnement » ?
- A aucun moment, il n’est dit de quelle croissance il s’agit. Or l’environnement ne peut être préservé que si cette croissance ne change pas radicalement de contenu. Comment, par exemple, toujours plus de voitures et de transports par camions pourraient-ils améliorer l’environnement ?

 Comment la croissance de la productivité de l’agriculture (prônée dans l’article III-227-1-a, page 45 du Traité), serait-elle compatible avec la nécessité de réorienter les méthodes agricoles vers des formes moins polluantes et dégradantes pour les sols et les nappes d’eau ?

Page 5 : Est-il vrai que le Traité a été élaboré de façon démocratique ?
- La Convention présidée par M. Giscard d’Estaing était composée de représentants des gouvernements, ainsi que de membres des parlements nationaux et des institutions européennes qui n’avaient été mandatés par personne pour une telle tâche.

 Ces « conventionnels » ont uniquement discuté les parties I et II du Traité, c’est-à-dire à peine 20 % du total de celui-ci !

Page 6 : Est-il vrai que le TCE ne remplacera pas la Constitution française ?
Certes aucune Constitution nationale ne disparaîtra. Mais l’article I-6 (page 9) du Traité indique : « La Constitution et le droit adopté par les institutions de l’Union, dans l’exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment sur le droit des Etats membres ».

Page 6 : Le fait que le Traité rassemble tous les traités antérieurs peut-il être considéré comme une garantie de progrès ?

 L’application de ces traités antérieurs n’a pas apporté les bienfaits promis : le traité de Maastricht (1992) devait entraîner, grâce à l’euro, la disparition du chômage. Or celui-ci a explosé en Europe, en même temps que les inégalités.

 Le traité d’Amsterdam (1997) devait aider à la coordination des politiques. Il a seulement permis de coordonner les politiques d’austérité et de restrictions sociales : moins de retraites, moins de couverture maladie, moins de garanties pour les chômeurs, plus de temps de travail pour ceux qui conservent un emploi.

Page 6 : Est-il exact que la partie II du Traité, qui reprend la Charte des droits fondamentaux adoptée en 2000, permet d’ « équilibrer les objectifs plus économiques qui avaient marqué les débuts de la construction européenne » ?

 Cela aurait pu être le cas si les objectifs sociaux n’avaient pas, chaque fois, été assortis de restrictions ou de conditions impératives. Ainsi, le droit du travail et le droit au travail, absents du Traité, sont remplacés par « le droit de travailler et la liberté de chercher un emploi » (art. II-75, page 22). Encore faudrait-il que les emplois existent !

 L’emploi est subordonné « aux grandes orientations des politiques économiques » (art. III-204, page 42), c’est-à-dire à la compétitivité, et la main d’œuvre doit « s’adapter à l’économie » (art. III-203, page 42).
La Charte des droits fondamentaux ne crée pas de compétence nouvelle, donc pas d’obligation pour l’Union (art. II-111 à 114, pages 25 et 26), ce dont se réjouit le patronat européen regroupé dans l’UNICE.

Page 6 : Le Traité rendra-t-il l’Europe « plus efficace et plus démocratique » ?

 Le Parlement européen ne peut pas déposer de proposition de loi : c’est la Commission européenne qui conserve ce monopole (art. I-26-2, page 13).

 Le Parlement élit le Président de la Commission, mais sur proposition exclusive du Conseil européen, donc des gouvernements (art. I-27-1, page 13).

 Les membres de la Commission sont désignés avec l’accord du Conseil européen, c’est-à-dire par les gouvernements. (art. I-27-2, page 13). Où est la démocratie dans ces procédures ?

 Les citoyens acquièrent un droit d’initiative, mais ils peuvent seulement « inviter » la Commission (qui reste libre d’accepter ou de refuser) à élaborer une proposition de loi « aux fins de l’application de la Constitution » (art. I-47, page 18).
- La laïcité est un principe totalement absent du Traité. Au contraire, les Eglises sont des partenaires officiellement reconnus (art. I-52, page 19), et la liberté de « manifester sa religion individuellement ou collectivement en public » est garantie (art. I-70, page 22).
- La procédure de décision à la majorité qualifiée est étendue, mais l’unanimité du Conseil des ministres reste de rigueur pour les domaines essentiels ( fiscal et social notamment).

 La Banque centrale européenne reste indépendante, et n’a de comptes à rendre à aucune instance démocratique (art. I-30-3, page 14). Il lui est interdit de prêter de l’argent aux institutions publiques (art. III-181-1, page 36), obligeant celles-ci à emprunter sur les marchés financiers pour le plus grand profit des spéculateurs.

 La révision de la Constitution est rendue pratiquement impossible du fait de l’unanimité des Etats requise impérativement (art. IV-443, page 84).

Page 8 : Le Traité rendra-t-il l’Europe « plus solidaire et plus sociale » ?
« L’accès à des prestations sociales » (art. II-94, page 24) est un droit seulement reconnu dans les Etats où il existe déjà. Aucun droit nouveau n’est créé pour les autres (Déclaration n° 12, art. 34, page 178). Il y aura donc deux catégories de citoyens en Europe.

 « Le droit à l’éducation » (art. II-74, page 22) s’entend comme droit à la gratuité, mais sans « compétences nouvelles » (Déclaration n° 12, art. 14, page 174). Donc pas non plus là de droit créé dans les pays où l’école gratuite est peu répandue.

 Toute harmonisation des salaires et des droits des salariés est exclue (art. III-210-6, page 43).

 La libre circulation des services est organisée à l’identique de ce que prévoit la directive dite Bolkestein, avec le même risque de dumping social (art. III-137 et 144, pages 29 et 30).
L’égalité entre hommes et femmes est proclamée (art. I-3-3, page 9, III-214, page 44), et toute discrimination est proscrite (art. II-81 et 83, page 23), mais rien n’est dit sur la manière dont se fera l’égalisation : par le haut ou par le bas ? Or, dans un passé récent, l’Europe a obligé la France à supprimer l’interdiction du travail de nuit pour les femmes, au nom de l’égalité !

 Les personnes âgées ont droit à « mener une vie digne et indépendante et à participer à la vie sociale et culturelle » (art. II-85, page 23), mais il n’est nulle part question d’un droit à la retraite !

 A aucun moment le principe des services publics n’est reconnu, puisque le mot lui-même n’est présent qu’une seule fois pour parler des servitudes liées aux transports (art. III-238, page 48). Seule figure dans le Traité la notion de « services d’intérêt économique général » qui ne devront ni fausser la concurrence (art. III-166, page 33), ni recevoir d’aides publiques (art. III-167, page 33-34). Dans les pays où il n’y a pas de services publics, aucun droit nouveau n’est créé (Déclaration n° 12, article 36, page 178). Les Etats membres doivent « s’efforcer de procéder à la libéralisation des services au-delà de la mesure qui est obligatoire » (art. III-148, page 30), et il n’y a rien qui puisse mettre les services publics à l’abri de cette menace.

 Le droit de grève, c’est-à-dire de lock-out, est reconnu aux employeurs comme un droit fondamental (art. II-88, page 23).

 La peine de mort est interdite sauf dans quelques cas significatifs, notamment pour effectuer une arrestation ou réprimer une insurrection (Déclaration n° 12, art. 2, page 170).

Page 9 : Le Traité permettra-t-il à l’Europe d’être un « pôle de paix et de stabilité dans le monde » ?

 « Les Etats membres s’engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires », seul cas où le Traité exige d’augmenter les dépenses publiques (art. I-41-3, page 17).
- La politique de sécurité et de défense européenne doit être « compatible » avec les engagements souscrits par la majorité des membres de l’Union envers l’OTAN (art. I-41-2, page 16).
Avec ces dispositions, qu’en sera-t-il de l’autonomie de l’Europe vis-à-vis des Etats-Unis ?

Page 10 : Le Traité permettra-t-il de construire des coopérations renforcées entre Etats membres désireux d’aller plus avant dans certains domaines ?
Il faudra qu’au moins un tiers des Etats membres (donc 9) fassent partie de ce projet, qu’ils recueillent l’assentiment préalable de la Commission et du Parlement, ainsi que, selon les cas, de la majorité ou de l’unanimité des autres. Leur projet ne pourra pas porter sur les domaines où s’exerce la compétence exclusive de l’Union, ni remettre en cause la concurrence et la circulation des capitaux, services et marchandises (art. I-44, pages 17-18 ; art. III-416 à 423, pages 78-79).

Conclusion

Le gouvernement et tous les partisans du Traité le présentent tantôt comme un texte « social », tantôt comme un texte « ni libéral, ni social ». Le citoyen comprendra qu’il y a là manœuvre, manipulation, pour dissimuler son caractère profondément libéral, dénaturant le principe même d’une Constitution qui doit se limiter à fixer le cadre démocratique de fonctionnement des institutions.
Les vrais motifs de ce texte sont ailleurs, cachés : il s’agit avant tout de faire de l’Europe un paradis pour la circulation des capitaux, des produits et des services, et de tout réduire à l’état de marchandise.
Nous proposons aux citoyens de répondre : non, le monde n’est pas à vendre, l’Europe non plus.

Version PDF de ce document