Analyse P. Flipo : L’Europe et l’environnement

, par Fabrice Flipo

L’Europe et l’environnement

19 mars 2005

Par Fabrice Flipo


Note préliminaire

Ce dossier a été réalisé en quelques jours et souffre donc peut-être de quelques lacunes, le lecteur voudra bien nous en excuser.

L’Europe et l’environnement : introduction
L’Union Européenne et ses Etats-membres ont été des participants actifs et souvent assez progressistes dans les débats sur le développement durable. L’UE est l’une des entités qui défend le mieux le développement durable et l’environnement dans les conventions internationales.

Mais si l’UE met en place des réglementations environnementales relativement contraignantes d’un côté, elle poursuit aussi une croissance économique rapide basée sur une logique de recherche la compétitivité à court terme. Cette compétitivité s’obtient en grande partie par l’usage massif de ressources naturelles à bas coût. Le bas coût s’obtient par l’usage du pétrole et par le recrutement de travailleurs à bas coût via leur intégration sur le marché mondial et la précarisation qui s’en suit puisqu’ils sont dès lors piégés dans des circuits mondiaux qu’ils ne maîtrisent pas.

Il est donc peu surprenant de constater que l’UE consomme largement plus que sa part de ressources naturelles mondiales. La consommation matérielle de l’UE a augmenté de 7% entre 1980 et 1997. L’usage de ressources provenant du dehors de l’UE a augmenté de plus de 10% entre 1995 et 1997 (Bringzu : 2001). L’empreinte écologique de l’Europe a augmenté de 5% entre 1991 et 2001 (WWF : 2004). Le mode de vie de l’UE empêche donc l’amélioration du bien-être dans de vastes parties du monde. Il met en danger les capacités des générations à venir à subvenir à leurs besoins. Si l’espace « carbone » était monnayé au prix de la tonne de carbone sur les marchés de « permis à polluer », la somme globale allant au profit des pays en développement serait au moins de l’ordre de grandeur de leur dette financière. De même, alors que l’on tire aujourd’hui profit des usages multiples des métaux lourds et toxiques (mercure, rhodium etc.), ces métaux continueront à contaminer la chaîne alimentaire pour des milliers d’années, bien longtemps après que les outils dans lesquels ils trouvaient leur utilité aient été usés et abandonnés.

La persistance de telles tendances est clairement insoutenable.

La Constitution et l’Environnement
Les politiques de l’UE et de la Commission Européenne en matière d’environnement sont souvent meilleures que les politiques françaises. Elles sont très souvent meilleures que les politiques nationales des autres pays. On peut dire qu’elles sont le fruit de 4 processus principaux :

 le « processus de Cardiff », qui court depuis 1998

 le 6ème Programme d’Action pour l’Environnement (PAE)

 la Stratégie Européenne de Développement Durable (SEDD)

 le Traité d’Amsterdam, qui inscrit le développement durable dans ses objectifs.

La Stratégie Européenne de Développement Durable (SEDD) a plusieurs origines : le Traité d’Amsterdam (article 2), la préparation de l’UE pour le Sommet de Johannesburg et la Stratégie de Lisbonne en mars 2000. La SEDD est issue du Sommet de Göteborg en juin 2001. La place de cette stratégie au sein des autres textes relatifs à l’environnement est peu évident. Elle met en évidence 6 objectifs stratégiques : la réduction des gaz à effet de serre, les transports soutenables (découpler la croissance de la croissance en transports), la santé publique (OGM, polluants etc.), la gestion durable des ressources (politique agricole commune, politique commune de la pêche, politique intégrée des produits, ainsi que l’arrêt du déclin de la biodiversité en 2010), et la « dimension globale » qui couvre plutôt les relations de l’UE avec ses partenaires.

La Constitution est plutôt favorable à l’environnement, sur le papier. Les directives européennes sont plutôt offensives en la matière, elles tirent toute l’Europe vers le haut. En l’absence d’autre allié dans ce domaine, les ONG environnementales sont plutôt favorables au TCE, même si elles ne se bercent pas d’illusions sur les intentions d’une partie des partisans du TCE. Pour faire vite, les socialistes ont historiquement davantage dévasté l’environnement que les capitalistes, il n’y a donc pas de raison de leur faire davantage confiance. Les productivistes sont autant du côté des « non » au TCE que du côté des « oui ». La problématique politique est analogue à la problématique sur la Charte de l’Environnement qui est désormais adossée à la Constitution Française.

Les écologistes et environnementalistes aujourd’hui s’inscrivent dans l’une ou l’autre des deux catégories, ou dans aucune, et se retrouvent surtout dans l’intention de faire autre chose, car ce que nous faisons actuellement n’a aucun avenir puisqu’il n’est pas écologiquement soutenable. Que les sociétés soient écologiquement soutenables est une condition nécessaire de toute société, qu’elle soit capitaliste, socialiste ou autre. L’énormité des dimensions dans lesquelles nos sociétés ne sont pas écologiquement soutenables, vu leur dépendance aux ressources épuisables et leur propension à générer des toxiques, donne une idée des changements qui se produiront dans l’avenir.

I. Les changements climatiques
Sources d’informations critiques : Climate Action Network Europe, www.climnet.org, Réseau Action Climat France www.rac-f.org
Rapport complet sur le PECC : http://www.climnet.org/pubs/second_eccp_report.pdf

Contexte
L’Union Européenne a ratifié le Protocole de Kyoto et s’est donné pour but d’atteindre 8% de réduction des gaz à effet de serre. L’instrument majeur est le Programme Européen sur les Changements Climatiques (PECC).
Le PECC comprend les trois instruments créés par le Protocole de Kyoto :

 les Permis d’Emission Négociables (PEN) : chaque pays doit mettre en œuvre des « Plans Nationaux d’Allocations des Quotas » (PNAQ) et ensuite tout cela sera échangeable au sein de l’UE. Les PNAQ couvrent les secteurs énergétiques (> 20 MW), le raffinage, la production d’acier, de verre, de céramique et de papier, bref les gros émetteurs. Ce sont des autorisations administratives qui sont revues chaque année à la baisse de manière à susciter les réductions là où elles coûtent le moins cher.

 le Mécanisme de Développement Propre (MDP) : les pays de l’Union pourront financer des projets dans les pays hors Kyoto (grosso modo, le Tiers-monde) contre des crédits d’émission, autrement dit par exemple la France aide le Mali à faire une centrale plus propre qu’elle n’aurait été sans l’aide de la France et reçoit des crédits d’émission en contrepartie.

 la Mise en Œuvre Conjointe (MOC) : il s’agit ici du même mécanisme que le MDP mais au sein des pays ayant des objectifs de réduction d’émission. Les partenariats les plus profitables économiquement sont ceux qui peuvent être faits avec les PECO (pays d’Europe Centrale et Orientale) car il y a une différence de niveau de vie importante avec les pays riches et les PECO disposent souvent de quantités importantes de quotas à échanger du fait que leurs émissions ont chuté depuis 1990 en raison de la crise économique.

Il comprend aussi plusieurs directives :

 la directive sur les énergies renouvelables (RES-E) qui prévoit d’atteindre 21% d’électricité d’origine renouvelable d’ici 2010.

 la directive sur la génération de chaleur à partir de renouvelables (RES-H) qui vise à favoriser la progression de la cogénération (production simultanée de chaleur + électricité).

 la directive sur les biocarburants (RES-T) :

 la directive Bâtiments et écoconception des produits consommateurs d’énergie, qui prévoit la mesure et l’étiquetage de la consommation énergétique des bâtiments et diverses mesures destinées à favoriser le solaire et la construction bioclimatique.

 la Directive sur les décharges, qui émettent une part importante des GES

 enfin diverses mesures diluées dans d’autres programmes comme la Politique Agricole Commune etc.

Dans la Constitution
Il n’y a rien de précis, seulement de vagues allusions à la protection de l’environnement et au respect des traités internationaux.

Analyse critique

 les objectifs aux termes du Protocole de Kyoto seront probablement atteints (l’UE est aujourd’hui à -1% environ par rapport à ses émissions de 1990, soit légèrement en retard sur son calendrier). L’Allemagne a fait -19% en 2003 pour -21% visés en 2008 par exemple. Mais malheureusement une partie des moteurs de cette performance sont indépendants de l’objectif environnemental. Le Royaume-Uni a dépassé ses objectifs du fait du remplacement de ses centrales à charbon pour des centrales gaz qui sont de toute manière plus rentables. La France n’a rien fait de particulier. Chaque pays essaie de concevoir son PNAQ de telle manière que les efforts soient reportés sur les autres pays...

 les plus grosses avancées viennent sans doute de la société civile et des acteurs de l’industrie. Toutefois du côté des entreprises il s’agit souvent de mesures qui sont rentables (« win-win ») et dont le potentiel est limité. Enfin, le recours aux mécanismes de flexibilité est truffé « d’échappatoires », soit que les réductions soient comptables mais pas réelles car on compte les émissions évitées or la méthode est peu fiable, soit que les réductions soient obtenues par des moyens eux-mêmes incompatibles avec le développement durable (recours au nucléaire, aux plantations d’eucalyptus transgéniques à croissance rapide pour stocker du carbone etc.)

 on est loin de l’objectif de division par quatre des émissions d’ici 2050. Les réductions sont difficiles et pourtant nous n’en sommes qu’à la partie la plus facile des réductions, celles qui sont souvent rentables. Le Protocole de Kyoto prévoyait que l’Europe et les pays industrialisés soient capables de faire la « démonstration des progrès accomplis » en 2005, cela ne sera guère possible. Une division par 4 exigerait des changements dans l’ordre de l’infrastructure (cf. chapitre sur l’énergie).

 il serait souhaitable que l’UE ait le moins recours possible aux mécanismes de flexibilité mondiaux prévus dans le cadre de Kyoto de manière à ce que les réductions de GES soient réalisées de manière durables, sur les infrastructures intérieures, et pas par des mesures de circonstance ou par délocalisation (acheter les réductions à bas prix dans les pays du Tiers-monde, délocaliser les entreprises fortement émettrices tout en conservant la maîtrise sur les produits).

 le MDP peut contribuer à modifier les pratiques pour les rendre plus soutenables mais pour cela il doit en grande partie reposer sur des initiatives Sud-Sud - voir le projet SouthSouthNorth par exemple, le travail du Pembina Institute Canada) ou celui de l’EDRC (Afrique du Sud). L’enjeu clé est de savoir qui détiendra la souveraineté dans la conduite du projet.

Recommandations

 Les vraies sources de réduction facilement accessibles sont dans le bâtiment et dans le transport. On peut ainsi parvenir à diviser par quatre les émissions. Ces sources échappent aujourd’hui quasi totalement aux politiques mises en œuvre.

 Le choix des ressources renouvelables est de plus un choix stratégiques, pour d’autres raisons (cf. l’énergie), et permet encore de réduire en « décarbonisant » l’énergie. Là aussi, les politiques sont très faibles.

 Renforcer la cohérence des politiques, quand on voit que les transports ne connaissent aucun frein en raison du principe de libre-circulation des biens et des services, on voit mal comment les émissions seraient réduites...

 Enfin il y a la question de choix de société évoquée en ouverture de ce document.

II. La pollution de l’air
Contexte
La pollution de l’air c’est la grande réussite de l’UE. Les SO2 et Nox ont été considérablement réduits depuis 30 ans. L’action de la Commission se fait principalement par le 6ème PAE et l’axe thématique “Clean Air for Europe” (CAFE). Les éléments principaux sont mentionnés dans la communication COM(2001)245. L’Europe est aussi à l’origine d’un exemple réussi de traité international : le Long Range Transport Air Pollution, sur les pluies acides.

Dans la Constitution
Il n’y a rien de précis, seulement de vagues allusions à la protection de l’environnement et au respect des traités internationaux.

Analyse critique
La pollution de l’air a été réduite sur certains polluants mais augmentée sur d’autres. Les suies de diesel, qui passe au travers des filtres à particules, sont en forte augmentation par exemple.

Recommandations
Intégrer les nouveaux polluants dans les plans d’action, intégrer l’air intérieur (peintures etc.).


III. La pollution chimique
Sources critiques : Greenpeace et http://www.h-50.fr

Contexte
Il y a plus de 100 000 molécules de synthèse dans l’environnement et moins de 7000 ont subi des tests. WWF a récemment procédé à des tests sur des parlementaires et on a retrouvé 35 substances synthétiques diverses dans leur sang. La nouvelle législation chimique européenne a pour objectif d’offrir au public une meilleure protection vis-à-vis des substances chimiques intentionnellement produites. Il s’agit probablement de la réglementation la plus ambitieuse et la plus importante de ces 20 dernières années. REACH (enRegistrement, Evaluation et Autorisation des substances CHimiques) changera en profondeur la manière dont les substances chimiques sont gérées. Elle permettra à l’UE de tenir les promesses qu’elle a faites dans diverses conventions internationales.
Les lectures parlementaires interviendront courant 2004 et 2005 pour une entrée en vigueur de la directive dès 2006. A cette date, pour la première fois, les industries chimiques devront fournir les données de sûreté sanitaire et environnementale sur toutes les substances qu’elles produisent. (Actuellement, ce n’est le cas que pour les substances dont la production a commencé après 1981, ce qui représente moins de 10% des substances commercialisées). REACH identifiera ensuite les substances chimiques extrêmement dangereuses et les rangera sous la classification spécifique de “substances extrêmement préoccupantes”. Ces substances seront probablement peu nombreuses (environ 2000) et nécessiteront d’obtenir un permis spécial pour leur production, y compris pour celles dont la commercialisation se poursuit depuis plusieurs années. Ce permis s’appellera une autorisation.
Un des objectifs de REACH est de s’assurer que les substances chimiques extrêmement préoccupantes soient abandonnées et remplacées par des alternatives appropriées et plus sûres.
Une substance chimique est classée comme extrêmement préoccupante si elle peut provoquer un cancer, endommager le matériel génétique ou si elle est une toxine de la reproduction. Toute substance qui ne peut être décomposée par la nature (persistante) et s’accumule dans l’organisme des êtres vivants (bioaccumulable), hommes ou animaux, est également classée comme extrêmement préoccupante, même s’il n’existe pas de preuve de leur toxicité. En effet, de nombreuses substances répondant à ces critères se sont révélées toxiques alors même qu’on les pensait au départ inoffensives. Le passé en offre de multiples exemples : les PCB, le DDT, l’amiante ou le TBT. Enfin, les substances connues pour interférer avec le système hormonal (appelées perturbateurs endocriniens) sont le dernier groupe de substances pour lequel une autorisation est nécessaire.

Les substances chimiques "extrêmement préoccupantes" seront progressivement éliminées et remplacées par d’autres produits plus sûrs, à moins que l’industrie ne puisse prouver qu’elle maintient les risques sous contrôle ou que ces substances aient un intérêt "socio-économique" supérieur aux risques.
Les substances chimiques "extrêmement préoccupantes" sont :

 les substances cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction

 les substances persistantes, bio-accumulatrices et toxiques

 les substances très persistantes et à fort potentiel de bio-accumulation comme les perturbateurs endocriniens.
Les délais établis pour mettre en application REACH donneront à l’industrie plusieurs années pour fournir les données de sécurité, selon un ordre de priorité établi sur les propriétés chimiques et le tonnage du produit :

 3 ans : substances cancérigènes, mutagènes ou toxines nuisant au système reproducteur

 3 ans : substances produites en quantité supérieure à 1000 tonnes

 6 ans : substances produites en quantité de 100 à 1000 tonnes

 11 ans : substances produites en quantité de 1 à 100 tonnes

Dans la Constitution
Il n’y a rien de précis, seulement de vagues allusions à la protection de l’environnement et au respect des traités internationaux.

Analyse critique
Dans la forme actuelle de la proposition, REACH risque de ne pas fonctionner. La proposition actuelle contient une malheureuse échappatoire qui permettrait la poursuite de la production d’une substance extrêmement préoccupante alors même qu’une alternative plus sûre et de coût équivalent serait disponible. En suivant cette échappatoire, le producteur n’aurait qu’à démontrer la “maîtrise valable” de sa molécule. Mais l’expérience montre que les substances persistantes et bioaccumulables ne peuvent pas être “valablement maîtrisées”. La nature ne sait pas les dégrader ou pas assez vite et leur affinité pour les tissus adipeux fait qu’elles contamineront inévitablement anciennes seront couvertes par un même régime et plus de 40 textes législatifs différents seront remplacés. Cela vaut aussi pour les produits phytosanitaires et autres produits sensés « protéger les plantes », et qui protègent en réalité les profits à court terme.
Un autre objectif de REACH est de stimuler la compétitivité de l’industrie chimique européenne, en encourageant l’innovation (au contraire de l’ancienne réglementation qui la freinait) et en fixant des règles claires qui feront d’elle le leader mondial d’une production chimique durable. Il est à craindre que cet objectif prime sur les autres et qu’il soit effectivement du protectionnisme déguisé, comme le dénoncent les Etats-Unis.

Recommandations
REACH ne va pas assez loin en ce qui concerne l’approche des substances jugées "extrêmement préoccupantes", puisqu’elle permet de continuer à utiliser ces produits même s’il existe des alternatives plus sûres. Ces produits doivent être interdits. On doit aller vers :

 un droit d’accès à l’information

 un calendrier précis au terme duquel tous les produits chimiques auront été évalués du point de vue de la sécurité par des experts indépendants-

 une élimination totale des produits chimiques bio-accumulatifs

 la substitution des produits peu sûrs par des alternatives plus sûres

 un engagement à arrêter tous les dégagements de produits dangereux dans l’environnement avant 2020.

IV. Métaux lourds
Contexte
La plus grande mine de mercure est en Espagne (Almaden). En pratique l’usage des métaux lourds diminue dans l’Union. L’une des dernière directives visant à réduire leur usage est la directive RoHS (Restriction of Hazardous Substances in Electrical and Electronic Equipment 2002/95/EC).

Dans la Constitution
Il n’y a rien de précis, seulement de vagues allusions à la protection de l’environnement et au respect des traités internationaux.

Analyse critique
Il y a encore beaucoup de progrès à faire. Toute particule de métal lourd relâchée dans l’environnement y reste, contamine les chaînes alimentaires et est quasiment irrécupérable.

Recommandations

 fermer la mine d’Almaden.

 décontaminer tous les sites

 bannir l’usage des métaux lourds.

V. OGM
Source critique : http://www.foeeurope.org/GMOs/Index.htm

Contexte
Le cas des OGM peut être résumé en une phrase lapidaire : on voit bien leurs inconvénients (prolifération et effets inconnus dans l’environnement, à tel point qu’aucune assurance ne veut prendre le risque, dépendance économique des paysans, « amélioration » qui ne peut être qu’à court terme etc.) mais on ne voit pas bien leurs avantages sinon pour les multinationales des semences.
Sous la Commission Prodi, trois lois cruciales ont été approuvées :

 la Directive sur le relâchement d’OGM dans l’environnement (90/220/EEC, révisée en 2001 2001/18/EC), qui comprend une obligation très stricte d’évaluation des risques. La première version a permis d’autoriser 18 OGM différents, et 12 sont en cours d’examen.

 la Directive sur la traçabilité et la labellisation des OGM (2001/18/EC puis EC 1829/2003), qui prévoit un étiquetage pour la présence de plus de 0.9% d’OGM dans le produit ;
Les Etats ont décidé de maintenir un moratoire de facto tant que ces directives ne sont pas en vigueur. La Commission quant à elle cherche à lever le moratoire. En mai 2003, l’administration américaine a annoncé son intention d’attaquer l’UE devant l’OMC. En juillet 2003, le parlement a amendé la directive 2001/18/EC et laissé aux Etats-membres le soin de définir les responsabilités en matière de coexistence.

Dans la Constitution
Il n’y a rien de précis, seulement de vagues allusions à la protection de l’environnement et au respect des traités internationaux.

Analyse critique
Il est extrêmement difficile d’établir les responsabilités en cas de contamination OGM. Cela va nécessiter une lourde administration. Il est impossible pour un petit exploitant de gérer le problème lui-même. Rien ne permet de dire que cela suffira. Les OGM susciteront des réactions de l’environnement : nouvelles résistances etc. A moyen terme, cela signifie une réduction de la biodiversité, une augmentation de l’usage des pesticides et des engrais. Il sera impossible d’empêcher les OGM de tout contaminer.
La version révisée de la directive sur le relâchement d’OGM dans l’environnement pose trois problèmes principaux : elle pose la question de la réparation des dommages en cas de contamination mais pas de la pollution des plantes, la responsabilité des producteurs d’OGM est peu claire et l’usage des antibiotiques comme gènes-marqueurs n’est pas réglementée.
La Directive sur la traçabilité et la labellisation des OGM (2001/18/EC) prévoit un seuil d’OGM trop élevé avant étiquetage (0.9%), elle exclut les OGM pharmaceutiques, elle légalise une contamination à 0.5%, elle exclut les produits animaux qui sont pourtant susceptibles d’être contaminés et elle ne couvre pas les produits dérivés des OGM.

Recommandations

 interdire toute dissémination d’OGM

 le seuil au-delà duquel la présence d’OGM doit être signalée dans les produits (étiquetage) de l’alimentation doit être inférieur à 0.1%

 pour tous les problèmes auxquels les OGM prétendre répondre, mettre en œuvre les alternatives biologiques connues et expérimentées qui peuvent facilement y répondre.

VI. La responsabilité environnementale
Contexte
Il s’agit de la directive initiée par Margot Wallström en janvier 2002 (2004/35/CE). C’est la première législation communautaire comptant parmi ses objectifs principaux l’application du principe du « pollueur-payeur ». Elle établit un cadre commun de responsabilité en vue de prévenir et de réparer les dommages causés aux animaux, aux plantes, aux habitats naturels et aux ressources en eau, ainsi que les dommages affectant les sols. Le régime de responsabilité s’applique, d’une part, à certaines activités professionnelles explicitement énumérées et, d’autre part, aux autres activités professionnelles lorsque l’exploitant a commis une faute ou une négligence. Par ailleurs, il appartient aux autorités publiques de veiller à ce que les exploitants responsables prennent eux-mêmes ou financent les mesures nécessaires de prévention ou de réparation.

Dans la Constitution
Il n’y a rien de précis, seulement de vagues allusions à la protection de l’environnement et au respect des traités internationaux.

Analyse critique
Cette directive a été très affaiblie par la Commission car elle exclut la quasi-totalité des activités qui sont très polluantes (transport de pétrole, industrie nucléaire etc.). Elle prévoit aussi de grandes exemptions pour les activités qui sont permises sous les législations existantes, ce qui finalement la vide de toute prétention à appliquer réellement un principe de pollueur-payeur. Le texte a été considérablement amélioré par le Parlement en mai 2003 mais reste faible.

Recommandations

 renforcer cette réglementation, que les acteurs de l’économie assument l’entière responsabilité des produits qu’ils mettent sur le marché.

VII. La protection de la nature
Sources critiques : France Nature Environnement, WWF

Contexte
L’Europe compte 150 espèces de mammifères, 520 espèces d’oiseaux, 180 espèces de reptiles et d’amphibiens, 150 espèces de poissons, 100 000 espèces d’invertébrés, 10 000 espèces végétales. La moitié des mammifères, le tiers des poissons reptiles et oiseaux, et 3000 plantes sont menacés. La biodiversité sauvage décline régulièrement.
En 1979 est née la première loi européenne sur la conservation de la nature : la Directive Oiseaux. Elle a pour but la protection des espèces d’oiseaux sauvages ainsi que leur habitat, leurs nids et leurs œufs. Pour y arriver, les Etats membres doivent désigner, pour ces espèces, les sites essentiels appelés "Zones de Protection spéciale" : ZPS. En 1992, l’Europe adopte une seconde directive : la Directive Habitats qui prévoit la conservation de tous les habitats et espèces sauvages (sauf les oiseaux) dont les effectifs et l’aire de distribution sont limités. Pour ces habitats et espèces, les Etats membres doivent désigner des sites appelés "Zones Spéciales de Conservation" : ZSC. C’est la Directive Habitats qui est à la base de la création de Natura 2000, le réseau européen de sites protégés, qui comprend tous les sites désignés en application de ces deux directives. La protection des sites tient compte des activités humaines, du moment que ces activités ne vont pas à l’encontre des objectifs de protection.
A la mi-2003, le réseau comprenait 60 millions d’hectares - une superficie aussi grande que l’Allemagne - soit 18% des zones terrestres de l’Union européenne. Avec l’arrivée des 10 candidats à l’UE, le réseau Natura 2000 va encore être renforcé. Le réseau Natura 2000 a pour objectif de contribuer à préserver la diversité biologique sur le territoire de l’Union européenne. Il assurera le maintien ou le rétablissement dans un état de conservation favorable des habitats naturels et des habitats d’espèces de la flore et de la faune sauvage d’intérêt communautaire. Sa création contribuera en outre à la réalisation des objectifs de la convention sur la diversité biologique adoptée au "Sommet de la Terre" de Rio de Janeiro en juin 1992. Au 1er janvier 2005, le réseau français comprend 1015 Sites d’intérêt communautaire répartis comme suit : Alpins 130 (Alpes-Pyrénées) ; Atlantiques 470 ; Continentaux 451.

Dans la Constitution
Il n’y a rien de précis, seulement de vagues allusions à la protection de l’environnement et au respect des traités internationaux.

Analyse critique
Les résultats montrent que plus d’un tiers des sites importants pour la vie sauvage n’ont pas été retenus par les Etats membres de l’Union européenne dans le cadre du futur réseau Natura 2000. La France est bonne lanterne rouge en la matière. La France protège 5.7% de son territoire, elle est avant-dernière dans l’Europe des 15. Le Danemark remporte la palme en protégeant 24% de son territoire. 11 pays (sur 15) protègent un territoire supérieur à 11%. Il y a toutefois beaucoup de conflits d’usage qui ne pourront se résoudre sans des efforts dans d’autres domaines : agricole, action des chasseurs, urbanisme qui grignote peu à peu les zones protégées via la pression foncière etc. Natura 2000 a de plus tendance à vouloir « mettre la nature sous cloche », ce qui est d’une part impossible car les interactions avec les zones non protégées sont continues, et d’autre part absurde car l’enjeu est d’aller vers une « coexistence pacifique et durable » avec les activités humaines.

Recommandations
Ce sujet touche l’ensemble du territoire. En réalité c’est tout le mode de vie industrialisé des Européens qui provoque la dégradation de la biodiversité.

VIII. La participation du public
Contexte
Il s’agit ici d’information du public en matière d’impacts environnementaux.
L’Union a adopté une Convention très ambitieuse dans ce domaine : la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, dite Convention d’Aarhus (1998). Le texte final de la Convention est le résultat de plusieurs années de négociations entre les gouvernements et la société civile représentée par une coalition d’ONG. Ses dispositions vont bien au-delà des règles qui existent en matière d’environnement dans le droit international et dans de nombreuses législations nationales. Elle prévoit que les populations puissent recevoir une réponse précise dans le délai d’un à deux mois, du moment que l’administration à qui est faite la demande dispose de l’information. La Convention incite à collecter l’information environnementale, qui est souvent manquante. Elle prévoit aussi la participation des populations à l’élaboration des réglementations environnementales et aux décisions ayant trait aux activités à impact sur l’environnement. Cette Convention est donc très ambitieuse. La Convention d’Åarhus est entrée en vigueur en octobre 2001 après le nombre nécessaire de ratifications. En France, la Convention a été ratifiée par la loi du 28 février 2002 et publiée par le décret n°2002-1187 du 12 septembre 2002.

Dans la Constitution
La Constitution va plutôt dans le bon sens, dans le texte au moins. Elle augmente le nombre de sujets en codécision (Commission + Parlement), en particulier dans le domaine agricole, la recherche et le commerce - ainsi que les budgets correspondants. Elle introduit l’idée de démocratie participative, même si on ne voit pas bien quelles seront les procédures qui seront mises en place. Les citoyens auront la possibilité de demander une initiative législative sur la base d’une pétition d’un million de signatures, et le Réseau Sortir du Nucléaire a déjà lancé une telle pétition pour obtenir l’arrêt du traitement de faveur du nucléaire sur le plan financier (Euratom, que la Constitution ne modifie pas).
Les obligations de fournir un accès à l’information touchent désormais tous les organs de l’UE, alors qu’auparavant seul le Conseil, la Commission et le Parlement étaient couverts.
Enfin pour la première fois la Cour de Justice Européenne s’ouvre un peu aux enjeux environnementaux, mais l’extension des compétences n’est pas explicité.
L’un des problèmes cependant est que l’unanimité est toujours requise en matière de mesures fiscales à but environnemental, ce qui bloque évidemment les décisions.

Analyse critique
La transposition de la Convention d’Aarhus est loin d’être achevée dans les droits nationaux. De plus les directives correspondant à la mise en œuvre concrète de la directive au niveau européen, c’est-à-dire pour l’appliquer aux actions de la Commission Européenne elle-même, tardent à sortir.
Les provisions de la Constitution ne sont assorties d’aucune procédure concrète, ce qui laisse quand même quelques doutes quant à leur portée réelle. Si la démocratie participative ne consiste que dans des consultations anonymes via internet, comme on le voit souvent, nous serons loin du compte.

Recommandations

 transposer la Convention le plus rapidement possible dans les droits nationaux.

 mettre en place les procédures permettant de l’appliquer à l’activité des institutions européennes elles-mêmes.

IX. Le commerce
Contexte
Les entreprises européennes et la Commission ont fait beaucoup d’efforts pour réduire les impacts environnementaux via l’axe de travail « modes de production et de consommation durables ». Pour résumer, il s’agit de prendre en compte les impacts environnementaux dès la conception des produits, y compris les circuits de distribution. La plupart des branches de l’industrie et du business se dotent aujourd’hui de systèmes d’information permettant la conception de systèmes de production et de consommation moins consommateurs de ressources naturelles et moins polluants.
Stratégie de Lisbonne - dématérialisation
Guides des achats écoresponsables : les achats publics représentent 16% du PIB soit 1500 milliards d’euros par an. La commission a édité un manuel « Acheter Vert ! Un manuel sur les marchés publics écologiques ».
Directive DEEE : entrée en vigueur en août 2004, elle rend les constructeurs d’équipements électriques et électroniques responsables de la collecte et de l’élimination de leurs produits.
Future Directive IPP (Integrated Product Policy) : elle est en préparation, elle prévoit d’interdire les produits qui ne sont pas écoefficaces, d’obliger les producteurs à informer les clients sur l’impact environnemental de leurs produits et de rechercher toutes les améliorations possibles sur le cycle de vie des produits. Elle inclut des éléments de direction pour les marchés publics.
EMAS (eco-management and audit scheme), ISO14000 : ce sont des SME (systèmes de management environnemental) qui préconisent la mise sur pied de systèmes d’information environnemental et diverses améliorations des process pour réduire l’impact environnemental des produits sur leurs cycle de vie.
SA 8000 : cette norme sociale comporte notamment des provisions sur les questions de santé au travail.
Reporting - benchmarking - audit indépendant : ce sont encore diverses mesures volontaires de la part du monde de l’industrie pour améliorer ses pratiques. Le reporting correspond à la notation des entreprises (rapport développement durable, responsabilité environnementale des entreprises etc.). Le benchmarking correspond à des démarches concurrentielles de comparaison entre performances environnementales des produits.

Dans la Constitution
Il n’y a rien de précis, seulement de vagues allusions à la protection de l’environnement et au respect des traités internationaux.

Analyse critique
Il est utile de mettre en place des SME car dans la plupart des cas les données n’existaient même pas.
Ce sont pour la plupart des approches préventives et volontaires, aux résultats peu garantis.
La certification ne garantit pas d’avantage concurrentiel au sens où quand on est certifié personne ne peut dire si l’entreprise certifiée est « meilleure » qu’un concurrent sur le plan environnemental. Les efforts des entreprises sont donc peu récompensés, et les mauvais élèves peuvent en partie continuer à faire illusion.
C’est extrêmement complexe donc peu transparent.
La comparaison de produit à produit permet de dire si on est meilleur que le voisin mais ça ne donne pas de visibilité globale sur les impacts écologiques nets. Il n’y a pas d’objectifs en valeur absolue.
Ces mesures ne prennent pas en compte « l’effet rebond » c’est-à-dire la tendance à vendre davantage de produits, ce qui compense les gains réalisés sur chaque produit pris séparément.
On peut aussi se demander si toutes ces « améliorations » ne correspondent pas à des stratégies « win-win ». Autrement dit, on réduit l’impact environnemental en gagnant de l’argent, tout simplement en réalisant des économies qui étaient jusque-là passées inaperçues. Mais rien ne dit que cela est dans l’ordre de grandeur des objectifs absolus à atteindre en termes écologiques, au contraire, du fait de « l’effet rebond ».

Recommandations

 encourager les entreprises à s’enregistrer EMAS, à travers la concession d’avantages économiques, fiscaux, etc.

 donner un réel pouvoir de contrôle au Comité Eco-Audit, où sont représentées toutes les parties intéressées,

 réaliser un guide méthodologique pour la réalisation d’une déclaration qui soit fiable et claire,

 promouvoir la connaissance de ces instruments auprès de la société civile,

 réaliser un contrôle plus fiable et des formations pour les vérificateurs,

 intégrer dans la démarche les ONG de défense de l’environnement et de consommateurs.

 ces différentes initiatives accroissent les responsabilités des entreprises alors que celles-ci n’ont pas les moyens de résoudre le problème à l’échelle à laquelle il se pose. Ce sont donc des pis-aller qui évitent de remettre les choses profondes en cause, mais de ce fait contribuent à retarder le moment à partir duquel il ne sera plus possible de contourner les enjeux.

X. La protection des sols
Contexte
La surexploitation des sols est aussi grave que les changements climatiques ou le déclin de la biodiversité.
L’Union Européenne aborde peut ce sujet directement. Elle l’aborde via la Politique Agricole Commune principalement. Le seul document européen est la Stratégie Thématique pour la Protection des Sols, publiée le 24 mai 2002.

Dans la Constitution
Il n’y a rien de précis, seulement de vagues allusions à la protection de l’environnement et au respect des traités internationaux.

Analyse critique
Il n’y a rien de fait. Les seules mesures sont dans la nouvelle PAC.

Recommandations

 Stopper l’accumulation des substances dangereuses dans les sols et commencer à faire diminuer leur concentration avant 2020.

 renverser les tendances à l’érosion, la désertification et la contamination des sols.

Références
Bringzu & al., Towards sustainable resources management in the European Union, 2001.
WWF, Rapport planète vivante, 2004.
ISO 14001, A missed opportunity for sustainable global industrial development, Riva Krut and Harris Gleckman, Earthscan, 1998
European Environment Agency, Late lessons from early warnings : the precautionary principle 1896-2000, 2001.

Sources des informations
G9 : fédération des neuf plus grandes ONG environnementales à Bruxelles
BEE : le Bureau Européen de l’Environnement
Friends of the Earth Europe :
+ les organisations mentionnées au cas par cas dans les chapitres.