Argumentaire Plihon : Les coopérations renforcées dans le Traité constitutionnel

, par attac92

Les coopérations renforcées dans le Traité constitutionnel

Dominique Plihon, 7 octobre 2004

Les coopérations renforcées sont un moyen de faire avancer l’Europe dans des domaines précis grâce à une "avant-garde " se constituant entre plusieurs Etats-membres. Une coopération renforcée est le processus par lequel plusieurs pays décident pousser entre eux des politiques communes en allant au-delà des dispositions prévues par les traités existants et plus loin que les autres pays de l’Union européenne. A titre d’illustration, la politique monétaire commune menée par les 12 pays membres de la zone euro est une coopération renforcée au sein le l’actuelle Union européenne à 25 membres. Cette notion de coopérations renforcées va de pair avec les idées de " noyau dur ", d’Europe à " géométrie variable ", ou de " cercles concentriques ".

Les principes fondamentaux et les procédures qui régissent les CR sont présentées dans l’article 43 du Titre I.

Le projet de Constitution présente des avancées dans le domaine des coopérations renforcées (CR), mais introduit des limites importantes qui en limitent largement la portée :

 Les avancées :
o Le champ d’application des CR est élargi à l’ensemble des politiques européennes (sécurité, justice, politique étrangère et défense).
o La décision d’autoriser une CR est prise par le Conseil à la majorité qualifiée après avis conforme du Parlement européen.

 les limites :
o L’article I-43 indique qu’une autorisation de CR ne peut être accordée qu’en " dernier ressort ", c’est-à-dire que s’il est établi que les objectif de la dite CR ne peuvent être atteints au sein de l’UE dans un délai raisonnable ;
o Un seuil élevé d’un tiers au moins des Etats-membres participants à la CR est fixé

L’un des enjeux des CR est de permettre à des Etats-membres qui le souhaitent de s’affranchir de la règle de l’unanimité dans les domaines où elle est requise par la Constitution, en particulier la fiscalité et la politique sociale. En effet, une fois la CR autorisée, les Etats participants peuvent appliquer entre eux la majorité qualifiée. Mais les limites imposées par la Constitution aux CR sont telles que les pays-membres qui ont toujours été réticents aux CR - tels la Grande-Bretagne, les pays scandinaves, la plupart des nouveaux membres de l’Europe centrale et orientale - auront les moyens d’organiser des coalitions d’Etats-membres pour continuer à s’opposer aux CR. Les règles qui définissent les CR empêchent désormais le " couple " franco-allemand, s’il en avait la volonté politique, de jouer le rôle de " locomotive " pour la construction européenne. Le seul domaine où la probabilité de CR est forte est la défense, car ce domaine est bien contrôlé par la Grande-Bretagne, par ailleurs allié inconditionnel des Etats-Unis.

Ainsi, le dispositif de CR prévu par la Constitution pourrait conduire à un renforcement de l’intégration européenne dans le domaine militaire, mais empêchera des avancées significatives dans le domaine de l’Europe sociale. Ce constat conforte notre analyse selon laquelle le traité constitutionnel, s’il rentrait en application, conduirait à une Europe-puissance et non à l’Europe-solidarité défendue par Attac.