Argumentaire Wasserman : que se passe t-il si le non l’emporte ?

, par attac92

Gilbert Wasserman est rédacteur en chef de la revue Mouvement (revue de réflexion sur la société, de gauche), membre d’Attac, membre d’Alternative Démocratie Socialisme

Argumentaire ;
Que se passe t-il si le non l’emporte ?

Gilbert Wasserman, 7 octobre 2004

Répondre à cette question est essentiel car les partisans de la ratification du projet de Constitution font leur argument essentiel du péril prétendument dramatique qu’un non ferait courir à la construction européenne dans son ensemble. L’acquis accumulé depuis le traité de Rome s’écroulerait nous dit-on comme un château de sable.

Les scénarios catastrophistes ne reposent pas sur grand chose, au lendemain d’un abandon de l’actuel projet on ne se retrouverait nullement dans un cadre institutionnel dévasté puisque le traité de Nice qui date de 2000 continuerait de s’appliquer jusqu’à son remplacement par un autre traité. Mais, nous disent les partisans du oui, c’est précisément ce qu’il faut empêcher car ce traité est très mauvais et même dangereux pour l’Europe. On a le droit de sourire quand on entend ces propos de la part de ceux ( qu’il viennent en France de l’UMP ou du PS) qui ont négocié, signé puis justifié ce traité voici moins de cinq ans. Il est bien temps qu’ils se rendent compte que ce dernier est anti-démocratique et porteur de risques de blocages. Cependant il n’entre pas dans nos intentions de défendre le traité de Nice que nous avons pour notre part combattu depuis qu’il existe. Il s’agit simplement de dire qu’il n’existera pas, contrairement à ce qu’on nous serine, de chaos institutionnel et que du temps existe pour relancer, ce qui est indispensable, un autre processus.

Autant le oui figerait pour longtemps la situation , autant le non ouvrirait au contraire la possibilité d’entamer une phase de discussion sur le projet européen lui même et de refonte du traité constitutionnel à l’échelle de l’ensemble des pays membres et candidats. Cette potentialité, il est vrai n’est pas acquise d’avance car elle dépend largement du contenu du refus du texte proposé. Si celui-ci a une dominante souverainiste et hostile à de nouvelles avancées de la construction européenne, comme cela pourrait être le cas en Grande Bretagne, alors on risque en effet que la situation soit bloquée. Si par contre ce refus , a un contenu se projetant vers l’avenir, pour en réalité sauver la construction européenne, alors de larges plages d’alliance peuvent s’ouvrir avec des courants politiques et sociaux dans les différents pays. Il est très important que ce soit cette tonalité qui domine en France car c’est ce qui permettra que le on donne un nouvel élan, nous avons pour cela une responsabilité considérable. Nous devrons être à même d’ouvrir la perspective à assez court terme d’un autre traité constitutionnel européen axé sur ce qui constitue la raison d’être de tout texte constitutionnel à savoir l’affirmation de valeurs communes , de droits pour les citoyens et le fonctionnement des institutions , et ce à l’exclusion de toute autre considération n’ayant rien à faire avec une Constitution.

Le rapport de forces, nous dit-on, n’existe pas et n’existera pas avant longtemps en Europe pour un tel projet. Ce n’est pas du tout certain dès lors que l’objectif n’est pas de remplacer un texte d’inspiration libérale sur le plan économique et social par un texte d’inspiration anti-libérale, mais de s’en tenir à ce qui conditionne un fonctionnement acceptable des institutions dans une Union européenne qui va continuer de s’élargir et un progrès de la démocratie, en même temps qu’il faudra qu’un tel traité, à la différence de l’actuel, permette des évolutions ultérieures au rythme de la volonté des citoyens des pays de l’Union.