Une nouvelle dynamique pour ATTAC : "Les alternatives au néo-libéralisme"

, par attac92

Texte élaboré par le groupe de proximité de Rueil - Garches - Vaucresson - Marnes la Coquette

Il est des sujets qui donnent le tournis avant même de les aborder. Mais tant qu’à se vouloir altermondialistes, autant que les adhérents d’ATTAC, quelles que soient leurs responsabilités locales ou nationales, abordent de front les questions qui se posent à l’ensemble du mouvement, non ? Voici comment une quinzaine de militants se sont retrouvés, jeudi 15 janvier 2004, à aborder la question des « alternatives au néo-libéralisme ». Le dernier d’une série de trois débats choisis par le groupe de proximité de Rueil - Garches - Vaucresson - Marnes la Coquette (après « ATTAC et les partis politiques » et la « désobéissance civile ») dans le cadre de la réflexion lancée par le bureau national : « une nouvelle étape pour ATTAC ». Cette initiative vise à réfléchir aux nouvelles orientations de l’association, quelque cinq ans après sa création.
Petit compte rendu qui reprend, sous forme thématique, les réflexions aussi diverses que variées échangées ce soir-là.

Propos recueillis par Cyril Pocréaux

Les premières urgences

Il s’agit de revenir à des choses simples : réaffirmer la place que doivent occuper les citoyens dans notre société, mettre à nouveau l’économie au service de l’homme, et non l’inverse. Un exemple : la banque centrale doit être directement dirigée par des hommes politiques. On pourrait très bien imaginer lancer un grand chantier : un plan sur cinquante années, qui prendrait en compte tous les problèmes (pauvreté, écologie…) à résoudre de manière impérative, et dont on aurait au préalable établi la liste. De voir le droit au logement inscrit dans la constitution.

Cela passe également par une défense - et une restauration - farouche des services publics : la santé, comme l’éducation, ne peuvent être considérées comme des marchandises.

Quelle position face au libéralisme : « coup de balai » ou réforme du système ?

Le débat entre révolution et réforme du système, on le sent, anime l’association depuis pas mal de temps. Faut-il vraiment remettre en cause le système capitaliste ? Beaucoup à ATTAC ne sont pas forcément opposés à l’économie de marché. Ils estiment que les solutions peuvent se trouver dans la régulation du système. Mais l’Europe que nous sommes en train de construire ne va pas dans cette direction.

Ceux qui ont vécu aux Etats-Unis ont peut-être constaté cette différence majeure avec la France : les Américains sont viscéralement attachés à l’esprit d’entreprendre sur le plan individuel. Mais même dans ces conditions, ils commencent à réaliser que les grosses entreprises sont en train de tout écraser outre-Atlantique. Que si le principe de concurrence peut avoir du bon à un petit niveau, il est des limites à ne pas dépasser. C’est à nous de fixer ces limites.

Par ailleurs, il n’existe pas un, mais des marchés. Les marchés financiers sont à combattre, le « marché de l’emploi » également, qui transforme le travailleur en marchandise.

Quel chemin pour dépasser le système néo-libéral ?

Ne faudrait-il pas plus d’Etat, l’Etat étant ici synonyme d’égalité ? La sphère du privé n’a rien à faire dans des secteurs tels que l’eau, les transports, l’éducation. Bien évidemment, nous sommes liés par des traités. Mais rien, à part le manque de volonté politique, ne nous empêche de les dénoncer s’ils nous mènent dans le mur.

Dans les années 1970, avec le Consensus de Washington, l’économique a pris le pouvoir sur le politique. Aujourd’hui, est-ce qu’un pays seul dispose du poids nécessaire pour renverser cette tendance ?
C’est pour cette raison que la lutte doit se mener à tous les niveaux, national comme international. Soyons optimistes : à l’échelle planétaire, on sent monter un mouvement de résistance général, ce seul mouvement qui pourra faire avancer les choses.

Nous avons déjà sous les yeux des alternatives au néo-libéralisme : la santé, l’éducation ne font pas partie du secteur marchand. Mais nous avons, de fait, un énorme combat à mener pour que cette situation n’évolue pas défavorablement, au vu des actions que mène actuellement le MEDEF. Nous devons même avoir l’ambition d’étendre le secteur non-marchand davantage encore. A des secteurs tels que l’eau ou le logement en particulier. Au secteur bancaire, pourquoi pas ? Les contre-pouvoirs sont dans la collectivité, dans la force des services publics.
Une troisième voie existe déjà : c’est celle qui exige plus de droits pour les salariés, pour les citoyens. Que les pouvoirs des uns et des autres soient davantage utilisés.

Une troisième voie ?

Une question indispensable avant d’aborder la question des alternatives au néo-libéralisme est de savoir si la démocratie, seul système politique, peu ou prou, qu’on ait trouvé jusqu’à aujourd’hui pour vivre ensemble et être heureux, a besoin du marché et du libéralisme économique, pour exister. A priori, oui. Il est toutefois difficile d’avoir le recul nécessaire pour y répondre avec certitude...

Alors, quelles alternatives ? Difficile de se faire une idée en observant le monde actuel. Le communisme, visiblement, est en fâcheuse posture. Le libéralisme, aujourd’hui, triomphe. Existe-t-il une troisième voie ? Si c’est le cas, elle est très bien cachée. Rien à l’horizon. Du coup, on peut avoir tendance à penser qu’une modification du système vaut mieux qu’un grand coup de balai. Même si ce sera sans doute plus long, plus difficile qu’une révolution ou qu’un coup de force.

Entre libéralisme et communisme, nous avons vu s’affronter deux systèmes : le premier commandé par des intérêts privés, le second étant planifié économiquement. Chacun de ces systèmes a eu ses inconvénients. Mais l’économie planifiée avait un avantage que l’on a aujourd’hui oublié : elle évitait la surconsommation. Dès 1968, en Tchécoslovaquie, l’idée d’une troisième voie a vu le jour. Elle pointait que l’inconvénient d’un système planifié était l’autoritarisme dans la planification. Du coup, les théoriciens de cette troisième voie conseillaient de rester sur une base d’économie planifiée, tout en l’adaptant à la demande. Ce n’est bien évidemment pas dans ce sens que nous nous dirigeons actuellement.

Dans certains pays communistes (ndlr : où est né l’auteur de ce témoignage), où la hiérarchie répressive était très forte, beaucoup ont regretté le passé communiste de l’Etat une fois tombé le mur de Berlin. Même si personne n’habitait dans un château, même si personne ne roulait en Mercedes. Certaines idées énoncées par Marx ne sont-elles pas toujours valables ?

L’autogestion peut-elle être une solution ? Des tentatives d’appliquer ce genre de principes ont vu le jour dans les années 60-70, sans grande suite. Bien qu’ils aient parfois rallié des hommes politiques de tendances différentes. Peut-être existe-t-il une idée à creuser de ce côté ?

Nous devons être méfiants quant à la sémantique : vouloir à tout prix trouver une « troisième voie », ou des « alternatives », n’est sans doute pas le meilleur moyen d’aborder le problème. Car cela suppose de définir à l’avance un modèle économique théorique que l’on plaque sur la réalité. Méfions-nous des dogmes, qui ne sont jamais que des représentations de la réalité, et évitons de partir d’un modèle économique. Les problèmes d’inégalités ou autres qui se posent à nous aujourd’hui, des enfants pourraient les résoudre, en appliquant des principes très simples. Parler de troisième voie, c’est à nouveau vouloir se soumettre à un modèle économique.

Le fait de résister ne se décline sans doute pas dans une seule manière d’agir ou de concevoir le monde, mais dans une multitude d’actions, toutes très différentes. Ces actions vont nous conduire vers un autre monde, un monde différent, que l’on ne discerne pas encore. Et alors ? Comme dit le sociologue et philosophe Miguel Benasayag, résistons, changeons le monde, « et tant pis si on ne connaît pas encore la fin du film ».